En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies pour vous proposer des services adaptés.

cdv logo  

Le Cercle des Voisins

Informe de l'atteinte à la dignité et aux droits humains que représente l’existence et le fonctionnement du «Centre de Rétention Administrative de Cornebarrieu», défend la libre circulation des personnes et dénonce le système mis en place pour l’expulsion des personnes privées de papiers.

logo EGM Toulouse

Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano


par Yannick Guihéneuf, écrivain, auteur d'"Exils. Au bout de la nuit" (L'Harmattan)

Ils ne sont pas des leaders politiques ou syndicaux. Ils sont artisans, maçons, paysans, étudiants, fonctionnaires, ingénieurs. Ils sont des gens ordinaires. Un jour, ils doivent fuir, fuir absolument leur pays. Ils débarquent sur nos côtes dans leur fragile embarcation, leur destin brisé, leur chair blessée. Ils demandent la protection du pays des Lumières. Ils demandent asile. Pourquoi ?

On sait ce qu'il en est de la violence entre les militaires et les hommes armés des mouvements rebelles dans de nombreux pays. Luttes sans merci, pressions des deux parties sur les habitants des zones de conflits, suspicions, règlements de comptes, et, au bout du compte, beaucoup de sang versé. Un processus malheureusement quasi universel que l'on retrouve au Kurdistan, au Sri Lanka ou en Colombie. L'Afghanistan, pays des seigneurs de guerre, n'échappe pas à cette sombre mécanique de la mort dont beaucoup de rouages échappent à notre entendement. Et puis il y a tous les autres pays en guerre. De l'Irak à ceux de la Corne de l'Afrique. Mais la violence armée n'est pas la seule origine de l'exil.

Je peux vous parler d'Amadou. Amadou est un jeune berger mauritanien. Un jour, las de son état d'esclave, gardien sans salaire d'un troupeau de chèvres élevé sur des terres volées à son père, assassiné par le nouveau maître des lieux, il s'est levé. Lui, le jeune homme à la peau noire, il a regardé vers le nord et il a marché dans le désert de pierres. Il a abandonné ses chaînes et la peur du bâton de son maître pour vivre son rêve : une vie plus digne. Après avoir vendu des chèvres qui ne lui appartenaient pas, il a pris une barque de pêcheurs vers les Canaries et s'est retrouvé à Paris, égaré mais plein d'espoir. La Mauritanie condamne l'esclavage, mais, lui le sait, il y a loin des lois à la réalité. Son destin se joue ici. N'a-t-il pas déjà vaincu les lames impitoyables de l'Atlantique ?

Je peux vous parler d'Alpha le Guinéen, qui demande asile politique au pays de Voltaire. Alpha est-il le leader d'un parti politique de la Guinée ? Non, Alpha tient une boutique de couture à Conakry. Une boutique en bois dans la banlieue de la capitale. Il est engagé dans un parti d'opposition ayant pignon sur rue. Son rôle y est bien modeste. C'est lui qui confectionne les tee-shirts portés lors des manifestations de rue. Il imprime les slogans. Et pourtant, un jour, il découvre un cadavre dans son arrière-boutique. Et, bien sûr, la police lui fait porter la responsabilité du meurtre. Il est jeté en prison puis relâché. Mais, après cet événement, peut-il avoir le sentiment d'être en sécurité ? Il décide de fuir, fuir absolument vers Paris, où il découvre que, dans de nombreux pays d'Afrique, il n'est pas rare de placer des cadavres dans le "placard" de ses opposants.

Je peux vous parler de Hamid l'Afghan, ce jeune homme cultivé et musicien dont la vie a été brisée par les talibans et les seigneurs de guerre. Après avoir rangé son violon pendant la pire période de l'extrémisme religieux, il a dû subir les assauts des clans adverses. Son père est assassiné pour avoir collaboré avec les envahisseurs russes. Son épouse subira le viol et les pires humiliations. Menacé, il devra quitter Kaboul avant un ultime règlement de comptes. Paris est son salut. La ville brille pour lui de toutes les Lumières, une fois l'obscurantisme de la burqa levé. Reste le poids de la culpabilité du viol de sa femme ; une pratique de plus en plus répandue dans les forfaits de la barbarie. Il faut déshonorer la femme, déshonorer l'homme, détruire l'autre. La femme de Hamid a préféré se donner la mort.

Je peux vous parler de Sergueï le Russe, un modeste menuisier d'une région située près de Moscou. Un jour, alors qu'il est sur un de ses chantiers, il est le témoin involontaire d'un coup de feu porté à l'encontre d'un homme politique par un groupe mafieux. Il est poursuivi et menacé de mort. Les autorités locales sont-elles en mesure de le protéger ? Autre témoin gênant, son frère, qui meurt sous les balles du même groupe mafieux. Sergueï s'enfuit et arrive en France. Malheur à ceux qui en savent trop.

Je peux aussi vous parler de Sambo le Congolais. Cet ingénieur qui, lui aussi, en savait trop sur la corruption régnant dans son entreprise, une mine exploitant le très riche sous-sol de la République démocratique du Congo. Il est licencié puis menacé. Aucune autorité politique régionale, aucun procureur ne veut le protéger. Trop d'intérêts sont en jeu. La richesse des nations ne se mesure pas seulement à la teneur de son sous-sol, elle se mesure aussi à l'aune de la démocratie. Ce n'est pas le cas dans ce pays dévasté, en proie à des convulsions. Ce n'est pas le cas dans de nombreux autres pays qui n'ont pas inscrit les droits de l'homme dans la terre ferme de leur histoire.

Je peux aussi vous parler d'Alexandra, une jeune femme originaire d'Azerbaïdjan mariée à un ouvrier arménien. Elle est prise en étau par tous les nationalismes des pays de l'ex-URSS. Tout comme son mari, tailladé par les canifs de l'intolérance, méprisé par les membres de sa famille. Les mariages ne font pas toujours l'union des peuples.
LA "ZONE GRISE" DE NOTRE INHUMANITÉ

Les Amadou, Alpha, Hamid, Sergueï, Sambo, Alexandra, vous pouvez les rencontrer dans les couloirs de la Cour nationale du droit d'asile. Ils forment autant de figures types des demandeurs d'asile en France. Figures types de toutes les oppressions, de toutes les persécutions. Déboutés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), ils tentent une seconde chance devant cette instance judiciaire. S'ils ont un bon avocat, un effet de manche réglera peut-être leur destin, repoussant les contours incertains de la jurisprudence. S'ils n'en ont pas, sauront-ils dire qu'ils ont fui sans papiers parce qu'ils n'avaient pas le choix de la date de leur départ, sauront-ils convaincre que les règles sociales qui prévalent chez eux ne sont pas les mêmes qu'ici ? Deux sur trois ne réussiront pas. Certains trichent, c'est vrai. Ils sont des immigrés économiques en quête d'un statut. D'autres ne convainquent pas et pourtant. Un malentendu ?

Il ne faudrait pas que cette "zone grise" de l'incompréhension devienne une "zone grise" de l'inhumanité. Les critères de la justice sont-ils toujours la réponse unique à la demande de survie dans un monde de fureur ? On le sait, aujourd'hui. Certains demandeurs d'asile ont été assassinés, une fois renvoyés dans leur pays. A vouloir être "juridiquement corrects", ne risquons pas de devenir "humainement injustes".

La France accueille des exilés. Certes, nous n'avons pas à rougir. Mais soyons modestes. En 2008, nous avons reconnu le statut de demandeur d'asile à 12 000 personnes. Chiffre que je rapporterais bien volontiers aux 850 000 naissances annuelles dans l'Hexagone. Il y a un flux annuel de 800 000 demandeurs d'asile dans le monde. Ceux-ci ont-ils compris qu'ils ne pouvaient plus compter sur nous ? Six sur dix de ces personnes ne s'adressent plus aux pays développés. Elles s'adressent aux autres pays, les pays du Sud, pauvres en PIB et, malheureusement, souvent pauvres en démocratie.


























Vite dit

06/06/2022 - Archarnement administratif, ca suffit !

« Comment peut-on croire qu'on sera plus heureux en faisant du mal à d'autres ? » (Hervé le Tellier – L'anomalie)

Ce mardi 7 juin 2022, Gideon est convoqué au tribunal judiciaire de Toulouse. Combien de juges a-t-il vu depuis le jour où il a été interpellé au commissariat de Pamiers ?

Au moins 7.

Le 3 mai, ce jeune gabonais de 18 ans, a été placé au centre de rétention de Cornebarrieu pour un vol prévu le 4 mai vers Libreville. Ce placement rendu possible par la loi (Article L 740-1 CESEDA) a été concrétisé par la préfecture de l'Ariège.

Il a refusé d'embarquer car toute sa famille vit en France de manière régulière. Il est scolarisé au lycée de Lavelanet et n'a plus du tout d'attache au Gabon.

Le 5 mai, le juge de la liberté et de la détention (JLD) décide de la prolongation de sa rétention (Article L742-3 CESEDA) permettant ainsi à l'administration d'organiser un nouvel 'éloignement'.

C'est le 27 mai qu'aura lieu cet 'éloignement' mais cette fois avec des techniques coercitives musclées (GTPI). Monté de force dans l'avion, Gidéon sera ligoté et molesté jusqu'au moment où le commandant de bord exigera son débarquement.

Mais s'opposer à son expulsion est un délit. Gidéon passera le soir même devant le procureur en CRPC (Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité) et sera puni d'une peine de prison de 3 mois avec sursis et 5 ans de mise à l'épreuve.

A 100 km de Toulouse, la préfète de l'Ariège reste inflexible : Gidéon doit rester enfermé pour être expulsé.

Le 2 juin, la juge JLD rendra un avis légèrement plus conciliant en lui permettant de rejoindre famille mais en l'obligeant à signer tous les jours au commissariat.

La préfecture de l'Ariège n'a pas apprécié cette décision. Elle a fait appel et l'audience aura lieu ce mardi 7 juin à 9h45 au palais de justice de Toulouse.

Si vous venez à cette audience, vous ne verrez pas le ou la signataire de cet appel. Il ou elle se fera représenter par un ou une porte-parole bien obéissant.e.

On sait qu'un nouveau vol a été demandé par la préfecture et si Gidéon le refuse, il risque cette fois 3 ans d’emprisonnement et une interdiction du territoire de 10 ans.

Depuis ses 18 ans, Gidéon vit sous la menace d'une arrestation, d'une expulsion !

Ce 6 juin, c'est son anniversaire. Il a 19 ans.

 

Visites au CRA

Archive

Powered by mod LCA