En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies pour vous proposer des services adaptés.

cdv logo  

Le Cercle des Voisins

Informe de l'atteinte à la dignité et aux droits humains que représente l’existence et le fonctionnement du «Centre de Rétention Administrative de Cornebarrieu», défend la libre circulation des personnes et dénonce le système mis en place pour l’expulsion des personnes privées de papiers.

logo EGM Toulouse

Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Intervention à la fête organisée par l’ATMF à Aix le 7 décembre 2013,
pour les 30 ans de la marche pour l’égalité et contre le racisme

1983-84 est une date très importante à bien des égards, et notamment pour ce qui concerne les migrants. Dans la foulée de la marche pour l’égalité, nous espérions que 1984 serait l’an Un d’une nouvelle ère ; il l’a été, mais pas comme nous l’aurions souhaité ; bien au contraire. En analysant rapidement cette période, je voudrais tenter d’éclairer nos voies d’action aujourd’hui, ce qui me semble être des impasses et des ouvertures.

« 1984 », c’est d’abord le titre d’un livre de George Orwell, incroyablement visionnaire, sur la venue d’un système totalitaire global. Il écrit ce livre en 1949, au lendemain de la « victoire » sur le totalitarisme nazi et déjà il a le sentiment que le totalitarisme n’est pas profondément vaincu, qu’il pourrait réapparaître sous d’autres formes, à la fois plus subtile et plus efficace. Eh bien, c’est ce qu’il s’est effectivement réalisé.

Dans les années 70s, le modèle fordiste et keynésien du capitalisme est contesté (mai 68), mais il est surtout devenu obsolète, car les marchés intérieurs sont saturés, alors que la hausse de la productivité permet, plus que jamais de produire en masse et à plus faible coût. Il devient donc impératif, dans la logique capitaliste, de conquérir des marchés extérieurs sur toute la planète qui devient pour eux un gigantesque marché et l’humanité une réserve de main d’œuvre. Alors, ces « maîtres du monde » vont ouvrir les frontières pour les capitaux, les marchandises et les riches ; mais ils vont dans le même temps les fermer pour le reste de l’humanité, notamment pour mettre en concurrence les législations sociales afin de les tirer vers le bas. Car la nouvelle religion économique dit que l’État social, c’est l’origine du mal. Ce sera le début d’une guerre économique mondiale qu’on appellera la mondialisation ou globalisation en anglais. Or, ce système est intrinsèquement totalitaire, car son objectif affiché est de tout transformer en profit, toutes les sphères de la vie, collective comme personnelle. Je rappelle que le mot « totalitaire » vient du mot « tout ».

Les étrangers, et surtout les « sans-papiers » que l’on va administrativement fabriquer en masse, seront utilisés comme cobayes des nouveaux modes de production plus ou moins esclavagistes. Dans les années 2000, face à la contestation de ce modèle, les étrangers, assimilés à l’intégrisme religieux et au terrorisme, seront à nouveau utilisés comme prétexte à la mise en place du versant politique du totalitarisme néolibéral : le panoptique qui vise à surveiller tout le monde, tout le temps et partout, grâce aux merveilles technologiques récentes.

Alors, pourquoi mentionne-je cela à propos de la marche pour l’égalité ? Parce que depuis le début du 20° siècle, les étrangers occupent une place de plus en plus majeure dans nos sociétés. Après-guerre, le pays est reconstruit notamment grâce à eux ; ce sont eux qui permettent l’ascension sociale d’une bonne partie de la classe ouvrière française. Après la fin officielle de la colonisation, les immigrés et leurs enfants étaient en droit d’obtenir la fameuse « égalité républicaine », mais elle ne vient pas et c’est pour cela qu’ils manifestent.

Revenons au départ. En 1981, l’Union de la Gauche va poursuivre une politique fordiste et keynésienne de relance de la consommation en augmentant les salaires. Le problème est que l’on achète surtout des produits étrangers, ce qui met en déficit la balance commerciale et génère de l’inflation. Alors en 1983, faute d’avoir pensé une alternative, ce gouvernement adopte le néo-libéralisme qui structurellement nécessite l’exploitation de travailleurs sans-droits et il est évident que ce sera moins explosif (le traumatisme de mai 68 reste dans les têtes) s’ils sont immigrés.

* La marche pour l’égalité a lieu la même année et l’égalité ne fait pas partie du programme, je vais y revenir. Alors on lui substitue la lutte contre le racisme qui est moins gênant. Certes, il était le 2° volet de la marche, mais le vieux racisme colonial devient lui aussi obsolète, au moins en partie. Il servait à justifier que l’on aille piller les ressources des peuples considérés comme inférieurs. Mais après les décolonisations, les puissances occidentales maîtrisent la technologie, la commercialisation et les capitaux, et cela leur suffit pour continuer à exploiter les pays du Sud, sans s’embêter avec la gestion des populations.

* On entre dans une période de chômage de masse, car c’est un choix économique pour baisser le coût de la main d’œuvre en automatisant la production et en la délocalisant. On a donc maintenant besoin de justifier le renvoi des étrangers « chez eux », dans leur pays d’origine. C’est ainsi qu’apparaît l’année suivante, en 1984, la « Nouvelle Droite » avec notamment le GRECE (groupe de recherche et d’étude sur la civilisation européenne), un « think tank » qui problématiquera un nouveau racisme différentialiste : Son axe n’est pas l’inégalité biologique, mais l’incompatibilité culturelle. On est tous différents, mais la différence ne peut se vivre que chacun chez soi ; on peut quitter provisoirement son pays, pour le tourisme ou pour travailler, mais après il faut y revenir. Du coup, vous comprenez que la lutte contre le racisme colonial ne gênait plus beaucoup, surtout débarrassée de la revendication de l’égalité, considérée l’horreur absolue dès lors qu’elle quittait le fronton pétrifié de nos édifices publics. Cette nouvelle forme de racisme qui ne se présente pas comme un racisme, a l’intelligence de cacher l’inégalité derrière la défense de la « différence ». C’est l’une des manifestations de la « novlangue » dont parle Georges Orwell dans son livre, un langage qui sert à masquer la réalité pour mieux endoctriner et manipuler. C’est ainsi que 1984 est en quelque sorte l’an Un d’une nouvelle époque. Les marcheurs en rêvaient, mais c’est autre chose qui est arrivé : A la place de l’égalité on a eu la carte de 10 ans ; ça n’était pas nul, mais tellement insuffisant, d’autant que la même année, verra la réelle application de la fermeture des frontières décrétée 10 ans plus tôt :

* Le 4 décembre 1984, en effet, est publié un décret qui interdit désormais la régularisation sur place des conjoints et des enfants d’étrangers. Cette mesure aura l’effet exactement contraire à celui recherché : les familles viendront quand même rejoindre le travailleur établi en France, mais séjourneront dans une précarité accrue. Cette mesure entrera en 1986 dans les 1° lois Pasqua 1 qui, en systématisant l’obligation des visas, achèvera la construction de la machine administrative à fabriquer des sans-papiers, promis à devenir des travailleurs sans-droits.

* La même année, un autre outil est mis en place : les centres de rétention officiels. Après moult débats internes, la Cimade accepte d’y assumer une fonction sociale confiée par le gouvernement, mais en se donnant aussi à elle-même une mission de défense juridique.

* 1984 offre aussi d’autres images parlantes du néolibéralisme naissant ; elles auraient dû nous alerter, mais nous avons peut-être perdu le réflexe de lire l’avenir en lisant les signes de notre temps qui sont comme des semences (c’est le même mot en grec) qui craquellent la terre quand ils se développent :

- En 1984 : Jacques Delors devient président de la Commission Européenne. Avec la présidence répétée du FMI, des socialistes français respectabiliseront et banaliseront le néolibéralisme.

- C’est aussi le démarrage de Canal +, 1° chaine payante.

- Le chômage dépasse les 2,5 millions, ce que nommera « l’horreur économique » la journaliste Viviane Forrester

1 En 1981, « La Gauche » avait abrogé la loi Bonnet du 10 janvier 1980 qui avait fait de l’entrée et du séjour irréguliers des motifs d’expulsion au même titre que la menace pour l’ordre public. L’étranger refoulé à la frontière pouvait être maintenu dans des locaux (de rétention) ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pendant le temps nécessaire à son départ.

- C’est aussi la catastrophe de Bhopal, la plus grande catastrophe industrielle liée à la chimie (20.000 morts,

200.000 handicapés), la production sans précaution de pesticides ; une sorte de mise à nu de l’horreur

industrielle, préfaçant l’horreur climatique à venir.

Quelles leçons j’en tire ?

1°) La défense juridique :

La Cimade, à l’image de quelques autres associations, s’est spécialisée dans la défense juridique des migrants. Beaucoup de situations personnelles et collectives, nombres de droits ont été gagnés. Mais dans le même temps, nous sommes obligés de reconnaître que l’état général s’est énormément dégradé. Ce que l’on appelle le « droit des étrangers » n’est plus vraiment un droit, mais un ensemble de lois qui n’accordent quasiment plus de droits, ou si peu. La bagarre juridique ne suffit donc pas pour vaincre le racisme.

2°) La lutte politique :

Prenons tout simplement l’exemple du droit de vote des étrangers ; c’est une promesse électorale qui date de plus de 30 ans ; les exemples pullulent, alimentant chez les électeurs une méfiance qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Cela veut dire que beaucoup d’entre nous ne croient plus à l’impact des élections, ni au travail de lobbying pour changer la donne, d’autant qu’à ce « jeu-là », ce sont les grands groupes commerciaux et financiers qui sont les plus forts. Je ne renonce pas à l’action politique, ni au droit de vote (quitte à voter blanc), mais je n’attends pas le changement de ce côté-là.

3°) La mobilisation des sociétés civiles :

Je ne sais pas si ça marchera, mais je place plutôt mes espoirs du côté des mobilisations dans la foulée des Forums Sociaux Mondiaux et des recherches d’alternatives globales, de changement de modes de penser et de vivre, car tout se tient. Ma préoccupation aujourd’hui, est la conquête d’une citoyenneté planétaire, parce que l’histoire des frontières est entachée de d’injustices, de souffrance et de sang ; parce que ce qui se joue d’important aujourd’hui concerne toute l’humanité qui habite une seule planète. La notion d’étranger devient obsolète ; le droit des étrangers aussi ; la question n’est sans doute plus de le réformer, mais de le faire disparaître ; il ne doit plus y avoir d’étrangers sur terre, que des êtres humains, égaux en dignité et en droit.

Jean-Pierre Cavalié – le 7 décembre 2013

Vite dit

06/06/2022 - Archarnement administratif, ca suffit !

« Comment peut-on croire qu'on sera plus heureux en faisant du mal à d'autres ? » (Hervé le Tellier – L'anomalie)

Ce mardi 7 juin 2022, Gideon est convoqué au tribunal judiciaire de Toulouse. Combien de juges a-t-il vu depuis le jour où il a été interpellé au commissariat de Pamiers ?

Au moins 7.

Le 3 mai, ce jeune gabonais de 18 ans, a été placé au centre de rétention de Cornebarrieu pour un vol prévu le 4 mai vers Libreville. Ce placement rendu possible par la loi (Article L 740-1 CESEDA) a été concrétisé par la préfecture de l'Ariège.

Il a refusé d'embarquer car toute sa famille vit en France de manière régulière. Il est scolarisé au lycée de Lavelanet et n'a plus du tout d'attache au Gabon.

Le 5 mai, le juge de la liberté et de la détention (JLD) décide de la prolongation de sa rétention (Article L742-3 CESEDA) permettant ainsi à l'administration d'organiser un nouvel 'éloignement'.

C'est le 27 mai qu'aura lieu cet 'éloignement' mais cette fois avec des techniques coercitives musclées (GTPI). Monté de force dans l'avion, Gidéon sera ligoté et molesté jusqu'au moment où le commandant de bord exigera son débarquement.

Mais s'opposer à son expulsion est un délit. Gidéon passera le soir même devant le procureur en CRPC (Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité) et sera puni d'une peine de prison de 3 mois avec sursis et 5 ans de mise à l'épreuve.

A 100 km de Toulouse, la préfète de l'Ariège reste inflexible : Gidéon doit rester enfermé pour être expulsé.

Le 2 juin, la juge JLD rendra un avis légèrement plus conciliant en lui permettant de rejoindre famille mais en l'obligeant à signer tous les jours au commissariat.

La préfecture de l'Ariège n'a pas apprécié cette décision. Elle a fait appel et l'audience aura lieu ce mardi 7 juin à 9h45 au palais de justice de Toulouse.

Si vous venez à cette audience, vous ne verrez pas le ou la signataire de cet appel. Il ou elle se fera représenter par un ou une porte-parole bien obéissant.e.

On sait qu'un nouveau vol a été demandé par la préfecture et si Gidéon le refuse, il risque cette fois 3 ans d’emprisonnement et une interdiction du territoire de 10 ans.

Depuis ses 18 ans, Gidéon vit sous la menace d'une arrestation, d'une expulsion !

Ce 6 juin, c'est son anniversaire. Il a 19 ans.

 

Visites au CRA

Archive

Powered by mod LCA