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Le Cercle des Voisins

Informe de l'atteinte à la dignité et aux droits humains que représente l’existence et le fonctionnement du «Centre de Rétention Administrative de Cornebarrieu», défend la libre circulation des personnes et dénonce le système mis en place pour l’expulsion des personnes privées de papiers.

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Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Dalloz Actualité - Vincent Brengarth - 14/11/2018

Ce procès, auquel j’ai participé dans les rangs de la défense, aura mis en exergue le caractère éminemment politique du « délit de solidarité ». Les faits reprochés s’inscrivent dans un contexte marqué par des violations persistantes des droits de l’homme sur les migrants à la frontière italienne, notamment confirmées par le rapport du 19 juin 2018 de la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Cette dernière dresse en effet « un constat sévère sur une volonté politique de bloquer les frontières au détriment du respect du droit à la vie et à l’intégrité physique des personnes migrantes ». Dès lors et en de pareilles circonstances, de quel côté se situe réellement l’intérêt de la collectivité qu’est censé représenter le parquet dans un territoire où les droits des migrants sont ignorés ? Que vise réellement à protéger le « délit de solidarité », pour justifier que des personnes risquent, au nom de l’engagement qu’elles portent et de la réalité d’une situation locale, d’être privées de liberté ?

Le délit d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers a su résister au temps et à un certain nombre de modifications successives. Il trouve son origine dans un décret-loi adopté sous le gouvernement Daladier, du 2 mai 1938 dans un climat empreint de xénophobie. La Libération n’aura pas raison de son existence, puisqu’il sera repris dans l’article 21 de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France. L’ordonnance n° 2004-1248 du 24 novembre 2004 l’intégrera dans ce qui constitue aujourd’hui encore son foyer : le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
En 2003, le législateur prévoira cependant une nouvelle cause d’immunité, venant s’ajouter aux immunités familiales (notamment au profit des ascendants ou descendants de l’étranger, de leur conjoint, des frères et sœurs de l’étranger ou de leur conjoint), pour motif humanitaire mais strictement limitée à l’aide au séjour irrégulier et ne concernant donc pas l’aide à l’entrée ou à la circulation.

Le Conseil constitutionnel a récemment eu à se prononcer sur la conformité du délit à la Constitution « Les neuf Sages », s’inspirant de la devise « Liberté, Égalité, Fraternité », reconnaîtront la valeur constitutionnelle de ce dernier principe dans leur décision n° 2018-717/718 QPC du 6 juillet 2018 (Dalloz actualité, 10 juill. 2018, obs. E. Maupin).

Le Conseil a jugé que l’exemption pénale humanitaire était nécessaire pour les actes d’aide à la circulation irrégulière. Outre qu’il ne fait aucunement disparaître le « délit de solidarité », dont il conforte au contraire la conformité, le Conseil n’étend donc toujours pas l’exemption humanitaire à l’aide à l’entrée irrégulière.

Le délit d’aide à l’entrée irrégulière une fois de plus survit et, avec lui, l’ensemble des considérations politiques auxquelles il obéit. La démonstration en sera faite ci-dessous.

En droit pénal, les infractions se définissent généralement par rapport à des « valeurs sociales protégées ». Pour illustrer le propos, la « valeur sociale » protégée par l’infraction d’homicide est ainsi la vie, celle protégée par l’infraction de vol est la propriété.

C’est à travers l’universalité de ces « valeurs sociales », qui sont hiérarchisées, que le ministère public peut prétendre représenter la société dans son entier, puisque le contrat qui les lie se retrouve rompu lorsqu’elles sont atteintes. Comme le rappelle le Professeur Yves Mayaud, toute incrimination « poursuit un objectif de protection, à savoir la sauvegarde d’un intérêt supérieur pour la pérennité des relations sociales : vie, intégrité physique, propriété, foi publique… ».

Pourtant, rien ne permet d’être catégorique sur la valeur sociale protégée par le délit d’aide à l’entrée irrégulière. En réalité, l’infraction n’est pas considérée comme une bienveillance envers des migrants, qui pourraient être exploités par des réseaux mal intentionnés, mais plutôt comme étant relative à la protection de l’ordre public au travers de la frontière. À cet égard, le délit est intégré dans une partie du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile relative aux contrôles. La « valeur sociale » est ainsi purement abstraite et presque administrative mais, plus encore, fonction de la politique migratoire exercée par un gouvernement dont la sensibilité politique évolue.

La « valeur sociale » protégée par le « délit de solidarité » n’est ainsi, contrairement à la majorité des infractions, pas intangible mais aléatoire parce qu’en lien avec la conception du fait migratoire par la puissance publique.

Cette question est donc directement en lien avec la gestion des frontières nationales. Pour ces dernières, les contrôles ont en théorie été abolis en application des principes de Schengen et de libre circulation au sein de l’Union européenne. Ils ont pourtant revu le jour afin de sécuriser la conférence « Paris Climat 2015 », et été maintenus au nom de la menace terroriste. La dernière dérogation a prolongé les contrôles aux frontières jusqu’au 30 avril 2019.

Ce rétablissement des contrôles dans le cadre spécifique de la menace terroriste ne devrait en théorie par conduire à une plus forte criminalisation de l’aide à l’entrée irrégulière, sauf à admettre que sa finalité est effectivement en lien avec l’immigration.

La « valeur sociale protégée » par le « délit de solidarité » fait d’autant plus débat qu’à la frontière italienne, c’est la vie des migrants qui est jeu. On oppose ainsi la protection purement fictive d’une frontière, en contradiction avec la libre circulation, à la « valeur sociale » de la vie des exilés. Trouve ainsi sa place dans l’arsenal pénal une infraction totalement évolutive qui est au service d’une politique migratoire aveugle. Sa répression s’exerce à travers un parquet sous la hiérarchie du garde des Sceaux.

Dans ces conditions, l’on peut légitimement s’interroger sur le sens de l’infraction d’aide à l’entrée irrégulière. Outre le fait qu’elle nie les accords Schengen, elle protège une « valeur sociale » non seulement spéculative mais, plus encore, fluctuante. Au même moment pourtant, les droits des migrants sont bafoués.

Définitivement donc, la répression de la solidarité procède d’une interversion des valeurs entraînées par des considérations politiques. L’exposé des motifs du nouveau code pénal prévoyait que « pour exprimer les valeurs de notre temps, le nouveau code pénal doit être un code humaniste, un code inspiré par les droits de l’homme ». Le « délit de solidarité », bien que dans un code distinct, ne devrait pas y déroger.

 

Vite dit

06/06/2022 - Archarnement administratif, ca suffit !

« Comment peut-on croire qu'on sera plus heureux en faisant du mal à d'autres ? » (Hervé le Tellier – L'anomalie)

Ce mardi 7 juin 2022, Gideon est convoqué au tribunal judiciaire de Toulouse. Combien de juges a-t-il vu depuis le jour où il a été interpellé au commissariat de Pamiers ?

Au moins 7.

Le 3 mai, ce jeune gabonais de 18 ans, a été placé au centre de rétention de Cornebarrieu pour un vol prévu le 4 mai vers Libreville. Ce placement rendu possible par la loi (Article L 740-1 CESEDA) a été concrétisé par la préfecture de l'Ariège.

Il a refusé d'embarquer car toute sa famille vit en France de manière régulière. Il est scolarisé au lycée de Lavelanet et n'a plus du tout d'attache au Gabon.

Le 5 mai, le juge de la liberté et de la détention (JLD) décide de la prolongation de sa rétention (Article L742-3 CESEDA) permettant ainsi à l'administration d'organiser un nouvel 'éloignement'.

C'est le 27 mai qu'aura lieu cet 'éloignement' mais cette fois avec des techniques coercitives musclées (GTPI). Monté de force dans l'avion, Gidéon sera ligoté et molesté jusqu'au moment où le commandant de bord exigera son débarquement.

Mais s'opposer à son expulsion est un délit. Gidéon passera le soir même devant le procureur en CRPC (Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité) et sera puni d'une peine de prison de 3 mois avec sursis et 5 ans de mise à l'épreuve.

A 100 km de Toulouse, la préfète de l'Ariège reste inflexible : Gidéon doit rester enfermé pour être expulsé.

Le 2 juin, la juge JLD rendra un avis légèrement plus conciliant en lui permettant de rejoindre famille mais en l'obligeant à signer tous les jours au commissariat.

La préfecture de l'Ariège n'a pas apprécié cette décision. Elle a fait appel et l'audience aura lieu ce mardi 7 juin à 9h45 au palais de justice de Toulouse.

Si vous venez à cette audience, vous ne verrez pas le ou la signataire de cet appel. Il ou elle se fera représenter par un ou une porte-parole bien obéissant.e.

On sait qu'un nouveau vol a été demandé par la préfecture et si Gidéon le refuse, il risque cette fois 3 ans d’emprisonnement et une interdiction du territoire de 10 ans.

Depuis ses 18 ans, Gidéon vit sous la menace d'une arrestation, d'une expulsion !

Ce 6 juin, c'est son anniversaire. Il a 19 ans.

 

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