« Je vis désormais caché »
« Je suis arrivé d'Algérie en 2006 avec un visa touristique. Je voulais du travail et rêvais de démocratie.
Débarqué à Toulouse, j'ai passé quelques nuits sous les ponts avant de trouver un toit et un emploi. Deux ans plus tard, la Police a débarqué sur mon lieu de travail pour « un contrôle de routine ». Je n'avais commis aucun crime mais ils m'ont menotté. Au commissariat de Blagnac, j'ai subi une série d'interrogatoires visant, sans succès, à déterminer mon pays d'origine.
24 heures de garde à vue et l'humiliation d'une fouille au corps plus tard, j'étais mené en rétention à Cornebarrieu. Nous étions une trentaine dans mon secteur (le centre en compte 4) : 25 Africains et 5 Européens. Les chambres de deux n'étaient jamais closes. 134 caméras ses substituaient aux surveillants qui n'étaient présents qu'au moment des repas et du rasage. L'appel des haut-parleurs nous réveillait à 6 heures. Le petit-déjeuner était le seul repas où je mangeais à ma faim : je suis musulman et le centre ne sert pas de viande hallal. J'ai fait plusieurs grèves de la faim pour réclamer que les légumes soient séparés de la viande. En vain.
Salade, fromage et dessert : de quoi perdre des kilos.
Les journées sont longues en rétention. Nos occupations ? Jouer au babyfoot ou regarder la télévision dont nous ne choisissions pas les chaînes. Fumer surtout, mais que jusqu'à 22 heures, heure de fermeture du petit enclos extérieur, plus dédié aux fumeurs qu'à la promenade.
Dans cette cage se trouvait un allume-cigare mural, l'unique moyen de combustion toléré. Stylos, papier : interdits ! « Avec, on peut tuer ou allumer un feu » m'a- t-on expliqué. On est pas des sauvages ! 32 jours de rétention et faute de preuve de ma nationalité, j'ai été relaché avec l'injonction de quitter le territoire sous cinq jours. Cela fait six mois que je me cache. »