Monsieur le Ministre,
Vous avez décidé de mettre en place un groupe de réflexion pour lutter contre les mariages blancs. Vous affirmez que ces mariages seraient très nombreux et que la législation actuelle ne permettrait pas des contrôles suffisants. Mais vous êtes vous interrogé sur les conséquences du durcissement continu des lois pour la vie des couples franco-étrangers, dans l'immense majorité sincères ?
Savezvous que nos existences se transforment en course d'obstacles et que nous sommes victimes d'une suspicion inadmissible au pays des droits de l'homme ?
Voici le récit d'une histoire parmi d'autres, celle de notre couple. Après avoir vécu avec ma compagne camerounaise dans un pays tiers (4 ans, sans obstruction administrative), j'ai du revenir en France pour raisons professionnelles en 2000. Ayant alors choisi de poursuivre notre vie commune dans mon pays, ma compagne m'a suivi et nous nous sommes mariés par la suite, le 29 octobre 2005. Mais en choisissant de venir vivre en France, nous n'avions aucune idée des contraintes administratives (coûteuses à la longue) auxquelles nous allions nous heurter.
Le plus grand problème rencontré pendant 9 ans de séjour est la situation de précarité administrative dans laquelle est maintenue mon épouse. En effet, depuis tout ce temps, elle n'est détentrice que de titres de séjour temporaires qu'il faut renouveler tous les ans. Cela suppose chaque fois plusieurs déplacements en préfecture et des mois d'attente entre chaque renouvellement.
Avec un titre de séjour temporaire, difficile pour elle de trouver un CDI, les employeurs ne sachant pas si elle sera encore en France l'année suivante. Pourtant, d'un niveau initial baccalauréat, elle a suivi en France une formation d'assistante de vie et obtenu 2 certificats de compétence professionnelle en 2004. Toutes nos demandes de carte de dix ans ont été rejetées sans explication, malgré les nombreux courriers recommandés (avec accusé de réception) et les multiples tentatives (le plus souvent voués à l'échec) d'appels téléphoniques pour comprendre les raisons de ces refus.
La dernière demande de carte de dix ans a même pris une dimension quelque peu surréaliste : déposée le 10 décembre 2008 (deux mois avant l'expiration du titre en cours selon les délais impartis), les services préfectoraux n'y ont toujours pas répondu (8 mois d'attente à ce jour) et ne délivrent à mon épouse que de simples récépissés à renouveler tous les trois mois. Ces services ont justifié ce retard en disant qu'ils étaient en attente des conclusions d'une enquête, demandée à deux reprises à la police, sur notre vie commune (nous résidons ensemble, dans le même appartement, depuis 9 ans et nous avons depuis longtemps prouvé la sincérité de notre relation !) ... Mais lorsque je me suis rendu au Commissariat central de la police et à la Direction départementale de la police aux frontières, on m'a assuré qu'il n'existait aucune trace de ces demandes préfectorales d'enquête ! Quand cela va t-il cesser ?
N'avons-nous pas droit comme tout un chacun à une vie normale ?
Monsieur le ministre, ne serait-il pas plus urgent de mettre en place un groupe de travail pour mettre fin à la dimension parfois « kafkaïenne » de certaines de nos administrations (peu préoccupées des conséquences induites sur la vie quotidienne de braves gens) et garantir véritablement aux couples mixtes le droit de vivre normalement et librement dans notre pays ?
Veuillez recevoir, Monsieur le ministre, l'expression de notre considération.