Source : France 3 Occitanie - SD avec AFP - 19/1/2019
La récente loi asile-immigration prévoit la mise en place d'un fichier biométrique de "mineurs non accompagnés" (MNA). La Haute-Garonne est l'une des quatre préfectures-pilotes désignée pour expérimenter cette nouvelle disposition. Une mesure qui fait polémique.
Ils sont jeunes, sans famille et leur nombre croissant pèse sur les finances des départements.
En 2018, le département de Haute-Garonne comptait 971 d'entre-eux. Soit deux fois plus en quatre ans.
Les migrants mineurs isolés sont au coeur d'un projet de fichier, déjà très critiqué pour ses passerelles possibles avec la lutte contre l'immigration irrégulière.
Le décret créant ce fichier "Appui à l'Evaluation de la Minorité" est attendu très prochainement (avant le 1er mars selon la loi), mais ses grandes lignes ont déjà fuité à l'automne.
Concrètement, un département pourra envoyer en préfecture le jeune demandant une évaluation, afin que son identité soit prise et comparée avec les données du fichier. S'il sollicite l'aide de l'Etat, le département devra en échange lui transmettre le résultat de son évaluation pour mettre à jour le fichier.
Une atteinte à la vie privée
Dès sa divulgation, le projet a suscité une levée de boucliers contre un "fichage des enfants" inédit et piloté par le ministère de l'Intérieur. "Le décret va bien plus loin que la loi", soupire Violaine Husson de la Cimade.
Le Défenseur des droits Jacques Toubon et le Conseil national des Barreaux ont demandé son abandon, le Conseil national de protection de l'enfance (CNPE) a rendu un avis défavorable, et plusieurs ONG ont dénoncé un fichier qui "porte gravement atteinte à la vie privée de ces mineurs" sans "la moindre amélioration de leurs conditions d'accueil et de protection".
Généralisation en avril
Ces jeunes sont surtout de grands adolescents, venus d'Afrique subsaharienne, souvent avec l'aide de filières, et vulnérables de par leur isolement. Tous ne sont pas mineurs (l'ADF évoque "plus de 70% évalués majeurs dans certains départements") mais leur âge est difficile à déterminer, alors même que les erreurs d'évaluation sont dramatiques de conséquences. Or ils risquent avec ce texte d'être vus avant tout comme des "étrangers fraudeurs", déplore le Conseil national des Barreaux, avec un risque d'expulsion à la clé puisque, selon le décret, une personne évaluée majeure "fera l'objet d'un examen de sa situation et, le cas échéant, d'une mesure d'éloignement".
Outre la Haute-Garonne, l'Isère, l'Essonne et le Bas-Rhin devraient expérimenter les nouvelles dispositions "dès la parution du décret".