Source : France Bleu Nord - Matthieu Darriet - 7/3/2019
La situation au centre de rétention administrative de Coquelles inquiète les bénévoles qui rendent visite aux migrants.Trois tentatives de suicide ont été signalées ces derniers jours.
Coquelles, France
Pour pénétrer au Centre de rétention de Coquelles, aux portes du tunnel sous la Manche, il faut déposer ses affaires dans un casier et être fouillé. Comme en prison, pas question de faire entrer quoi que ce soit ; même la nourriture est interdite.
Nous sommes alors conduits dans un bureau, où nous rejoint rapidement le migrant que nous venons visiter. Il est ici depuis une quinzaine de jours. Il était installé au Danemark et c’est en voulant rendre visite à des proches en Angleterre qu’il a été arrêté à Calais, dit-il. Et il ajoute : "Je ne suis pas un criminel. Je ne comprends pas ce que je fais là. »
Conditions de vie difficiles
Ensuite, ce réfugié raconte les conditions de vie dans le centre, dont témoigne également un bénévole : "Ces personnes sont réparties dans trois zones, avec une trentaine de personnes. Les gens dorment les uns sur les autres."
Au niveau des douches, il n'y a aucune intimité et les toilettes, ce n'est pas mieux.
Une promiscuité qui provoque des tensions, comme des débuts de barrage. Et puis, il y a ces trois tentatives de suicide, à une seule semaine. Le réfugié, que nous rencontrons, raconte celle d’un Érythréen : « Il a été arrêté alors que sa femme l’attendait à la gare. Il n’avait plus de nouvelles, il ne l’a pas supporté. Il a fabriqué une corde avec son drap qu’il a accroché au détecteur de fumée. Ces sont d’autres réfugiés qui ont coupé la corde et prévenu les policiers qui ne voulaient pas les croire. Et puis l’ambulance est venue.»
Détresse psychologique
Préfecture et policiers affirment qu’il n’y pas de dysfonctionnement au centre de rétention de Coquelles, où des travaux sont prévus cette année. Ces tentatives de suicide seraient un geste désespéré après l'annonce d'une mesure d'éloignement. Une situation qui ne va pas s’arranger, avec l’allongement de la durée de rétention à 90 jours, car le suivi psychologique est quasi inexistant sur place.
"Pas mal de personnes sont en détresse psychologique. Il n'y a pas de psychologue, que des infirmiers. Pour avoir un rendez-vous avec un psychologue ,c'est assez long et généralement il n'y a aucune réponse derrière.," poursuit ce bénévole.
Il y a la détresse psychologique liée au parcours jusqu'au point d'arrivée et puis aussi tout simplement à cause des conditions de vie et du traitement inhumain.
Le réfugié que nous avons rencontré raconte qu’il allait bien depuis trois ans ; mais que, depuis son arrivée à Coquelles, de vieux démons refont surface.
Un collectif pour alerter et soutenir
Par ailleurs les bénévoles s’interrogent sur le contenu de la nourriture et une éventuelle présence de sédatif à l'intérieur : "Les exilés nous raconte qu'après chaque repas tout le monde dort pendant trois ou quatre heures. Certains ont fait des tests, ils n'ont mangé que les desserts et ensuite ils étaient en pleine forme, sans avoir manger le repas en lui-même."
C’est pour faire connaitre la situation à l’intérieur du Centre de rétention administrative de Coquelles et inviter les élus à exercer leur droit de contrôle, sur place, qu’un collectif de bénévoles s’est monté il y a quelques semaines, à Calais. Il multiplie les visites aux réfugiés. Il est d'autant plus en alerte que le migrant marocain qui a signalé ces tentatives de suicides n’est plus à Coquelles.