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Le Cercle des Voisins

Informe de l'atteinte à la dignité et aux droits humains que représente l’existence et le fonctionnement du «Centre de Rétention Administrative de Cornebarrieu», défend la libre circulation des personnes et dénonce le système mis en place pour l’expulsion des personnes privées de papiers.

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Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Le Monde - Julia Pascual - 7/5/2019

Les Européens ont choisi de coopérer avec un Etat failli et en guerre civile, malgré les mises en garde sur les sévices qu’y subissent les migrants.

L’une des principales voies d’entrée en Europe s’est tarie. Un peu plus de 1 100 personnes migrantes sont arrivées en Italie et à Malte par la mer Méditerranée sur les cinq premiers mois de l’année. Un chiffre ridiculement bas comparé aux 650 000 migrants qui ont emprunté cette voie maritime ces cinq dernières années. Le résultat, notamment, d’une coopération intense entre l’Union européenne, ses Etats membres et la Libye.

En 2014, alors que le pays est plongé dans une guerre civile depuis la chute du régime de Kadhafi, plus de 140 000 migrants quittent ses côtes en direction de l’Italie, contre quelque 42 000 l’année précédente pour toute la rive sud de la Méditerranée centrale. Cette dernière devient, deux ans plus tard, la principale porte d’entrée sur le continent européen.

Inquiète de cette recrudescence, l’Italie relance en mars 2016 ses relations bilatérales avec la Libye – interrompues depuis la chute de Kadhafi –, à peine le fragile gouvernement d’union nationale (GNA) de Faïez Sarraj installé à Tripoli sous l’égide de l’ONU. Emboîtant le pas à Rome, l’UE modifie le mandat de son opération militaire « Sophia ». Jusque-là cantonnée à la lutte contre le trafic de migrants en Méditerranée, celle-ci doit désormais accompagner le rétablissement et la montée en puissance des gardes-côtes libyens.

Dans cette optique, dès juillet 2016, l’UE mandate les gardes-côtes italiens pour « assumer une responsabilité de premier plan » dans le projet de mise en place d’un centre de coordination de sauvetage maritime (MRCC) à Tripoli et d’une zone de sauvetage à responsabilité libyenne dans les eaux internationales. C’est une étape majeure dans le changement du paysage en Méditerranée centrale.

Jusque-là, compte tenu de la défaillance de Tripoli, la coordination des sauvetages au large de la Libye était assumée par le MRCC de Rome. Les migrants secourus étaient donc ramenés sur la rive européenne de la Méditerranée. Si Tripoli prend la main sur ces opérations, alors ses gardes-côtes ramèneront les migrants en Libye, même ceux interceptés dans les eaux internationales. Une manière de « contourner l’interdiction en droit international de refouler un réfugié vers un pays où sa vie ou sa liberté sont menacées », résume Hassiba Hadj-Sahraoui, conseillère aux affaires humanitaires de Médecins sans frontières (MSF).

Migrants sur la route de l’Europe : « En Libye, nous ne sommes que des esclaves »

Situation chaotique

Les premières formations de gardes-côtes débutent en octobre 2016, et les agences de l’ONU sont mises à contribution pour sensibiliser les personnels au respect des droits de l’homme. « C’est difficile d’en mesurer l’impact, mais nous pensons que notre présence limite les risques pour les réfugiés », estime Roberto Mignone, l’ancien représentant du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés en Libye.

Au sein de l’UE, tous les outils sont mobilisés. Même les équipes du Bureau européen d’appui à l’asile sont sollicitées. Un fonctionnaire européen se souvient du malaise en interne. « Le Conseil a fait pression pour nous faire participer, rapporte-t-il. On n’était clairement pas emballés. C’était une façon cosmétique de dire que les gardes-côtes avaient été formés à l’asile. Et c’était nous compromettre un peu aussi dans ce qui ressemble à une relation de sous-traitance et à un blanc-seing donné à des pratiques problématiques. »

Des personnels libyens profitent d’ailleurs d’une formation pour demander eux-mêmes l’asile en Europe. Le pays est alors dans une situation chaotique, et les migrants en particulier y encourent de graves violences telles que le travail forcé, l’exploitation sexuelle, le racket et la torture.

Mais l’Europe poursuit son plan et continue de s’appuyer sur l’Italie. Le 2 février 2017, le gouvernement de gauche de Paolo Gentiloni (Parti démocrate) réactive un traité d’amitié de 2008 entre Rome et Tripoli, avec l’approbation du Conseil européen dès le lendemain. Des moyens du Fonds fiduciaire de l’UE pour l’Afrique sont fléchés vers les enjeux migratoires en Libye – 338 millions d’euros jusqu’à aujourd’hui –, bien que l’Union fasse état de « préoccupations sur une collusion possible entre les bénéficiaires de l’action et les activités de contrebande et de traite ».

Le travail des ONG entravé

A cette époque, les Nations unies dénoncent l’implication des gardes-côtes de Zaouïa (à 50 km à l’ouest de Tripoli) dans le trafic de migrants. En mai 2017, Marco Minniti, ministre italien de l’intérieur (Parti démocrate), remet quatre bateaux patrouilleurs à la Libye. Trois mois plus tard, Tripoli déclare auprès de l’Organisation maritime internationale (OMI) qu’elle devient compétente pour coordonner les sauvetages jusqu’à 94 milles nautiques au large de ses côtes.

Concomitamment, le travail des ONG est de plus en plus entravé par l’Italie, qui les accuse de collaborer avec les passeurs et veut leur imposer un « code de conduite ». S’ensuivront des saisies de bateaux, des retraits de pavillon et autres procédures judiciaires. L’immense majorité d’entre elles vont jeter l’éponge.

Lire aussi « Salvini répète que les ports sont fermés, comment pourrait-il admettre qu’à Lampedusa, les migrants arrivent toujours ? »

Un tournant s’opère en Méditerranée centrale. Les gardes-côtes libyens deviennent à l’automne 2017 les premiers acteurs du sauvetage dans la zone. Ils ramènent cette année-là 18 900 migrants sur leur rive, presque quarante fois plus qu’en 2015.

Leur autonomie semble pourtant toute relative. C’est Rome qui transmet à Tripoli « la majorité des appels de détresse », note un rapport de l’ONU. C’est Rome encore qui dépose en décembre 2017, auprès de l’OMI, le projet de centre libyen de coordination des sauvetages maritimes financé par la Commission européenne. Un bilan d’étape interne à l’opération « Sophia », de mars 2018, décrit d’ailleurs l’impréparation de Tripoli à assumer seule ses nouvelles responsabilités. La salle d’opération depuis laquelle les sauvetages doivent être coordonnés se trouve dans « une situation infrastructurelle critique » liée à des défauts d’électricité, de connexion Internet, de téléphones et d’ordinateurs. Les personnels ne parlent pas anglais.

« C’est Rome qui a demandé aux Libyens d’intervenir et à Sea-Watch de rester éloignée »

Un sauvetage, le 6 novembre 2017, illustre le dangereux imbroglio que deviennent les opérations de secours. Ce jour-là, dans les eaux internationales, à 30 milles nautiques au nord de Tripoli, au moins 20 personnes seraient mortes. Une plainte a depuis été déposée contre l’Italie devant la Cour européenne des droits de l’homme. Des rescapés accusent Rome de s’être défaussé sur les gardes-côtes libyens. « Un appel de détresse avait été envoyé à tous les bateaux par le MRCC Rome, relate Violeta Moreno-Lax, juriste qui a participé au recours. L’ONG allemande Sea-Watch est arrivée sur place quelques minutes après les gardes-côtes libyens. C’est Rome qui a demandé aux Libyens d’intervenir et à Sea-Watch de rester éloignée. »

« Esclavage » et « torture »

Les gardes-côtes présents – certains formés par l’UE – n’ont alors ni gilets ni canot de sauvetage. Sur les vidéos de l’événement, on peut voir l’embarcation des migrants se coincer sous la coque de leur patrouilleur. Des gens tombent à l’eau et se noient. On entend aussi les Libyens menacer l’équipage du Sea-Watch de représailles, puis quitter les lieux en charriant dans l’eau un migrant accroché à une échelle.

Tout en ayant connaissance de ce drame, et bien qu’elle reconnaisse un suivi très limité du travail des gardes-côtes en mer, la force navale « Sophia » se félicite, dans son bilan d’étape de mars 2018, du « modèle opérationnel durable » qu’elle finance.

L’année 2018 confirme le succès de cette stratégie. Les arrivées en Italie ont chuté de 80 %, ce qui n’empêche pas le ministre de l’intérieur, Matteo Salvini (extrême droite), d’annoncer à l’été la fermeture de ses ports aux navires humanitaires.

Le blocage se poursuit aujourd’hui, tandis que l’ONU rappelle régulièrement que la Libye ne doit pas être considérée comme un « port sûr » pour débarquer les migrants interceptés en mer. Les personnes en situation irrégulière y sont systématiquement placées en détention, dans des centres sous la responsabilité du gouvernement où de nombreux abus sont régulièrement documentés, tels que des « exécutions extrajudiciaires, l’esclavage, les actes de torture, les viols, le trafic d’être humains et la sous-alimentation ».

En février 2019, la France annonce pourtant la fourniture de six embarcations rapides à Tripoli. Huit ONG, dont Amnesty International et MSF, contestent devant la justice administrative cette livraison qui rendrait Paris « officiellement complice des atteintes commises en Libye à l’encontre des réfugiés et migrants ».

La dangerosité des traversées, elle, a explosé : le taux de mortalité sur la route de la Méditerranée centrale est passé de 2,6 % en 2017 à 13,8 % en 2019. L’Europe se défend de toute responsabilité. « La plupart des vies sont perdues dans les eaux libyennes ou dans la zone de sauvetage libyenne, auxquelles les opérations européennes n’ont pas accès, fait valoir la Commission. C’est pourquoi nous formons les Libyens. »

Lire aussi Combats en Libye, fermeture de l’UE : les migrants dans l’impasse

 

 

Julia Pascual

 

Vite dit

06/06/2022 - Archarnement administratif, ca suffit !

« Comment peut-on croire qu'on sera plus heureux en faisant du mal à d'autres ? » (Hervé le Tellier – L'anomalie)

Ce mardi 7 juin 2022, Gideon est convoqué au tribunal judiciaire de Toulouse. Combien de juges a-t-il vu depuis le jour où il a été interpellé au commissariat de Pamiers ?

Au moins 7.

Le 3 mai, ce jeune gabonais de 18 ans, a été placé au centre de rétention de Cornebarrieu pour un vol prévu le 4 mai vers Libreville. Ce placement rendu possible par la loi (Article L 740-1 CESEDA) a été concrétisé par la préfecture de l'Ariège.

Il a refusé d'embarquer car toute sa famille vit en France de manière régulière. Il est scolarisé au lycée de Lavelanet et n'a plus du tout d'attache au Gabon.

Le 5 mai, le juge de la liberté et de la détention (JLD) décide de la prolongation de sa rétention (Article L742-3 CESEDA) permettant ainsi à l'administration d'organiser un nouvel 'éloignement'.

C'est le 27 mai qu'aura lieu cet 'éloignement' mais cette fois avec des techniques coercitives musclées (GTPI). Monté de force dans l'avion, Gidéon sera ligoté et molesté jusqu'au moment où le commandant de bord exigera son débarquement.

Mais s'opposer à son expulsion est un délit. Gidéon passera le soir même devant le procureur en CRPC (Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité) et sera puni d'une peine de prison de 3 mois avec sursis et 5 ans de mise à l'épreuve.

A 100 km de Toulouse, la préfète de l'Ariège reste inflexible : Gidéon doit rester enfermé pour être expulsé.

Le 2 juin, la juge JLD rendra un avis légèrement plus conciliant en lui permettant de rejoindre famille mais en l'obligeant à signer tous les jours au commissariat.

La préfecture de l'Ariège n'a pas apprécié cette décision. Elle a fait appel et l'audience aura lieu ce mardi 7 juin à 9h45 au palais de justice de Toulouse.

Si vous venez à cette audience, vous ne verrez pas le ou la signataire de cet appel. Il ou elle se fera représenter par un ou une porte-parole bien obéissant.e.

On sait qu'un nouveau vol a été demandé par la préfecture et si Gidéon le refuse, il risque cette fois 3 ans d’emprisonnement et une interdiction du territoire de 10 ans.

Depuis ses 18 ans, Gidéon vit sous la menace d'une arrestation, d'une expulsion !

Ce 6 juin, c'est son anniversaire. Il a 19 ans.

 

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