Les associations de défense des sans-papiers à Rennes dénoncent la multiplication ces derniers temps des interpellations de conjoints étrangers de couples mixtes ou de personnes sur le point de se marier dans la région. "On fait les fonds de tiroir", déplore une avocate.
“On arrive en fin d’année, il y a la pression du chiffre et les deux tiers des interpellations se font au domicile des intéressés”, constate un membre de RESF (Réseau éducation sans frontières). Cette militante raconte notamment le cas d’Anis, 26 ans, un ressortissant tunisien entré régulièrement en France en juilllet 2006. Titulaire d’un BTS de technicien en électricité industrielle, il travaillait régulièrement dans la région brestoise et devait se marier le 3 octobre à Brest avec Eloïse, jeune étudiante en psychologie. Il a été interpellé deux jours avant son mariage au domicile du couple par la police aux frontières et se trouve depuis lors au centre de rétention administrative de Rennes -Saint-Jacques. Autre cas tout récent: l’expulsion d’un Angolais d’une quarantaine d’années, vivant depuis huit ans en France, marié depuis cinq ans à une française et employé de la société Gelagri à Loudéac (Côtes d’Armor). En mars dernier sa carte de séjour n’a pas été renouvelée, la préfecture estimant qu’il ne vivait plus sous le domicile conjugal, le couple s’étant séparé momentanément durant trois mois. Il a été reconduit hier à la frontière.
“La préfecture a fait preuve d’une déloyauté manifeste dans cette affaire en laissant entendre devant le juge des libertés qui a prononcé une prolongation de sa rétention qu’elle ne prendrait pas de mesure d’éloignement à son encontre, fulmine Mélanie Le Verger, son avocate. J’ai fait appel de la décision du juge qui doit être examinée aujourd’hui. Ce Monsieur a un domicile, un travail, une épouse atteinte du cancer qui n’en a plus que pour quelques mois. On est dans une situation juridique plus qu’ubuesque et une situation humaine dramatique”.
L’avocate constate elle aussi de plus en plus d’interpellations à leur domicile de ressortissants étrangers mariés ou vivant en couples.
“La moindre petite séparation est devenue un prétexte de non-renouvellement des autorisations de séjour, note Mélanie Le Verger. Deux jours peuvent suffire. Les couples mixtes n’ont pas le droit de se disputer. On remarque aussi de plus en plus de dénonciations anonymes, de voisins, de collègues de travail. Une interpellation sur deux se fait sur dénonciation anonyme. On vit dans une société de délation”.
Selon l’avocate, les mariages blancs sont pourtant l’exception et les véritables relations de couple, la règle. Estimant qu’Anis avait une “relation stable” avec Eloïse, avec le projet de fonder une famille, le collectif des Amoureux au Ban Public a demandé qu’il soit remis en liberté pour pouvoir se marier. “Un droit inaliénable inscrit dans la constitution française”, relève une militante du collectif.
Pierre-Henri ALLAIN