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Le Cercle des Voisins

Informe de l'atteinte à la dignité et aux droits humains que représente l’existence et le fonctionnement du «Centre de Rétention Administrative de Cornebarrieu», défend la libre circulation des personnes et dénonce le système mis en place pour l’expulsion des personnes privées de papiers.

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Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Le Monde - Adrien Naselli - 17/5/2018

Le programme d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile loge des migrants dans d’anciens hôtels parfois éloignés des transports en commun. Dans ce village savoyard, sans le soutien de certains habitants, la situation serait difficile.

Des vignes à perte de vue, quelques hameaux, et une départementale très empruntée. Pour se rendre à l’ancien hôtel Formule 1 de Chignin (Savoie), qui héberge 96 demandeurs d’asile depuis l’été 2017, il n’y a pas d’autre choix que de prendre la voiture. Aucune ligne de bus ne dessert la commune. La gare de Montmélian, la ville voisine, est à 5 kilomètres. La grande ville la plus proche, Chambéry, à plus du double.

C’est pourtant là qu’Adoma, le constructeur de logements sociaux qui a remporté un appel d’offres du ministère de l’intérieur en 2016, a établi l’un de ses 62 centres Prahda (Programme d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile). Plusieurs populations de demandeurs d’asile y cohabitent. Ainsi, à Chignin, les 96 personnes hébergées viennent de 17 pays, relèvent de statuts différents, et ne peuvent souvent pas communiquer entre elles.

Les vignes de Chignin, en Savoie.

Pis : le projet de centre se heurte d’emblée à une défiance généralisée. Le maire de Chignin (sans étiquette) depuis 1989, Michel Ravier, accuse l’Etat d’avoir tout organisé sans concertation. L’Etat lui-même, en la personne du préfet de l’époque, tarde à lancer les travaux voulus par Paris. Le nouveau président de région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, souffle sur les braises avec une pétition contre « la répartition des migrants de Calais dans nos régions ». Des villageois commencent même à constituer un « collectif anti-migrants » et diverses rumeurs se propagent.

Dans ces conditions, l’intégration des demandeurs d’asile ressemble à une mission impossible. Et pourtant.

Supporter l’attente

Arrivés d’Angola « en catastrophe » en août 2017, Cristiano et sa femme ont posé leurs maigres bagages le 27 mars à Chignin, après avoir vécu dans un squat à Lyon et avoir été orientés par l’Office français d’immigration et d’intégration (OFII). Diplômé d’une licence en informatique, Cristiano meurt d’ennui dans le village : « On est totalement déconnecté, ma femme et moi. Et puis il faut marcher longtemps pour aller faire les courses, sur cette route qui est très dangereuse pour les piétons. » L’OFII verse à Cristiano et à sa femme une allocation de 252 euros par mois. A Lyon, le couple trouvait facilement une connexion wifi pour échanger avec sa famille en Angola. Ici, pas d’accès à Internet et des locaux à la limite de la vétusté : deux à trois cabines de douche et toilettes par étage, et deux cuisines.

Laure, l’une des trois intervenantes sociales, a accueilli sa première famille la veille de notre rencontre : « En leur expliquant que le premier magasin est à trente minutes de marche, je n’étais pas très à l’aise. Même si je sais qu’ils accepteront tout sans broncher. »

Cristiano, demandeur d’asile angolais, attend sa convocation à l’Ofpra au centre de Chignin depuis le 27 mars 2018.

Abdourahmane, un jeune Guinéen, se sait expulsable vers l’Espagne à tout moment. Auparavant, il était hébergé dans le CAO (centre d’accueil et d’orientation) d’Annecy. « Là-bas, des associations nous prenaient comme bénévoles. Ça nous occupait, soupire-t-il. On a l’impression qu’ils nous ont mis là pour nous chasser de la ville. »

Dans un village aussi isolé, attendre la réponse de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) est parfois intenable. Pour George et Jeanne, 34 et 26 ans, originaires de Serbie, c’est une torture : « C’est très beau ici, George adorerait pouvoir travailler dans une ferme comme avant, traduit sa compagne pour nous. Mais sans les papiers, c’est impossible. La beauté ne suffit pas. »

Nécessaire solidarité

L’Etat ne prévoit pas de cours de français pour les migrants. Heureusement, une vingtaine de bénévoles se sont organisés. « Sans leur aide, ce serait beaucoup plus compliqué, admet Victoria, l’une des intervenantes sociales. Leur investissement est énorme pour les cours. Or la barrière de la langue est un frein majeur à l’insertion. » Les bénévoles doivent en théorie faire partie d’une association et signer un contrat pour entrer dans le Formule 1.

Mais dans la réalité, tout un réseau d’entraide informelle s’est mis en place. Dons alimentaires, réparation de vieux vélos, tournoi de foot avec le club de Chignin… « Sans eux, ce serait vraiment un calvaire, renchérit Abdourahmane. On n’aurait vraiment rien à faire. »

Monique Bauer chapeaute avec le Secours catholique l’équipe de bénévoles qui vient en aide aux demandeurs d’asiles du centre.

A la campagne, un lien social semble s’instaurer plus clairement que dans l’anonymat des grandes villes. Ce jour-là, Monique Bauer, 64 ans, débarque un panier sous le bras et salue un par un les migrants assis dans l’herbe. C’est elle qui chapeaute l’organisation des bénévoles, qu’elle a inscrits au Secours catholique pour pouvoir intervenir en toute légalité. Monique estime qu’aider les migrants relève de son « engagement chrétien. » Le curé lui a d’ailleurs donné accès à la sacristie de la petite église pour donner des cours de français.

De son côté, Gilles Berlioz, le patron d’un des quatorze vignobles du coin, a embauché deux réfugiés qui ont obtenu leurs papiers au centre après l’été. Boubakar et Alssadik, originaires du Soudan, ont travaillé pendant les dernières vendanges. Le vigneron estime que l’Etat devrait assouplir ses lois pour que les migrants qui veulent travailler puissent le faire en attendant leurs papiers : « Quand Boubakar et Alssadik ont commencé, il fallait les voir à l’ouvrage ! En parlant français avec nous, ils s’intègrent. Et pour moi aussi ce serait pratique, car j’ai toujours besoin de main-d’œuvre. » Gilles Berlioz choisit ses mots avec soin pour expliquer à quel point venir en aide aux migrants lui procure du bien-être : « Quand je viens ici faire les permanences, je ressors avec une énergie et un plaisir intenses. »

Gilles Berlioz, vigneron, devant le centre du Programme d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile de Chignin.

Grâce aux bénévoles, une rencontre a même été organisée à l’école sur demande de l’institutrice. Jouarda, une Albanaise qui parle quatre langues, et Assan, un Guinéen, ont passé une heure dans chacune des deux classes, à échanger avec les enfants. Après avoir entendu le récit de sa fille, un Chignerain a appelé le lendemain pour savoir comment donner des vêtements. Une succession de petits gestes qui font dire à Monique Bauer : « Tant qu’ils sont là, nous les considérons comme des habitants du village. »

Même le maire a fini par changer d’avis. « Aujourd’hui, ça ne se passe pas trop mal. Les migrants côtoient la population, rencontrent les ados, discutent, et les choses se sont aplanies. » Michel Ravier nous retrouve d’ailleurs à l’ancien Formule 1 où il croise Cristiano. « Quel est votre parcours, sans être indiscret ? », lui lance-t-il. S’ensuit un long échange auquel tous deux donnent la même conclusion : « En ayant installé un centre ici, l’Etat n’a pas fait les choses bien. » Puis ils se séparent. En promettant de se revoir.

Cristiano en grande discussion avec le mairie de Chignin, Michel Ravier, devant l’ancien hôtel Formule 1.

Vite dit

06/06/2022 - Archarnement administratif, ca suffit !

« Comment peut-on croire qu'on sera plus heureux en faisant du mal à d'autres ? » (Hervé le Tellier – L'anomalie)

Ce mardi 7 juin 2022, Gideon est convoqué au tribunal judiciaire de Toulouse. Combien de juges a-t-il vu depuis le jour où il a été interpellé au commissariat de Pamiers ?

Au moins 7.

Le 3 mai, ce jeune gabonais de 18 ans, a été placé au centre de rétention de Cornebarrieu pour un vol prévu le 4 mai vers Libreville. Ce placement rendu possible par la loi (Article L 740-1 CESEDA) a été concrétisé par la préfecture de l'Ariège.

Il a refusé d'embarquer car toute sa famille vit en France de manière régulière. Il est scolarisé au lycée de Lavelanet et n'a plus du tout d'attache au Gabon.

Le 5 mai, le juge de la liberté et de la détention (JLD) décide de la prolongation de sa rétention (Article L742-3 CESEDA) permettant ainsi à l'administration d'organiser un nouvel 'éloignement'.

C'est le 27 mai qu'aura lieu cet 'éloignement' mais cette fois avec des techniques coercitives musclées (GTPI). Monté de force dans l'avion, Gidéon sera ligoté et molesté jusqu'au moment où le commandant de bord exigera son débarquement.

Mais s'opposer à son expulsion est un délit. Gidéon passera le soir même devant le procureur en CRPC (Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité) et sera puni d'une peine de prison de 3 mois avec sursis et 5 ans de mise à l'épreuve.

A 100 km de Toulouse, la préfète de l'Ariège reste inflexible : Gidéon doit rester enfermé pour être expulsé.

Le 2 juin, la juge JLD rendra un avis légèrement plus conciliant en lui permettant de rejoindre famille mais en l'obligeant à signer tous les jours au commissariat.

La préfecture de l'Ariège n'a pas apprécié cette décision. Elle a fait appel et l'audience aura lieu ce mardi 7 juin à 9h45 au palais de justice de Toulouse.

Si vous venez à cette audience, vous ne verrez pas le ou la signataire de cet appel. Il ou elle se fera représenter par un ou une porte-parole bien obéissant.e.

On sait qu'un nouveau vol a été demandé par la préfecture et si Gidéon le refuse, il risque cette fois 3 ans d’emprisonnement et une interdiction du territoire de 10 ans.

Depuis ses 18 ans, Gidéon vit sous la menace d'une arrestation, d'une expulsion !

Ce 6 juin, c'est son anniversaire. Il a 19 ans.

 

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