Source : InfoMIE - Diane Poupeau - 23/02/2017
La privation pour un mineur isolé de la possibilité de bénéficier d’une formation peut constituer une atteinte grave et manifestement illégale à l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction.
CE, ord., 15 févr. 2017, req. n° 407355
Le juge des référés du Conseil d’État a indiqué, dans une ordonnance rendue le 15 février 2017, que les mineurs étrangers âgés de seize à dix-huit ans confiés au service de l’aide sociale à l’enfance (ASE) doivent se voir délivrer de plein droit une autorisation de travail pour la conclusion d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation à durée déterminée.
Il était saisi par le ministre de l’Intérieur d’un recours contre une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse ayant enjoint à la direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) unité territoriale Languedoc-Roussillon de délivrer sous 24 heures une autorisation provisoire de travail à un Malien de dix-sept ans, pris en charge par les services de l’ASE. Cette autorisation avait été refusée au jeune homme au motif qu’il ne disposait d’aucun titre de séjour. La DIRECCTE l’avait alors invité à se rapprocher du service de la préfecture de la Haute-Garonne dédiée à la gestion des dossiers des mineurs isolés étrangers, ce qui aurait eu pour effet de retarder d’un an le début de sa formation.
Le juge des référés du Conseil d’État a accueilli le référé-liberté en précisant que « la privation pour un enfant, notamment s’il souffre d’isolement sur le territoire français, de toute possibilité de bénéficier d’une scolarisation ou d’une formation scolaire ou professionnelle adaptée, selon les modalités que le législateur a définies afin d’assurer le respect de l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction, est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ».
Il a ensuite jugé que « les mineurs étrangers âgés de seize à dix-huit ans confiés au service de l’aide sociale à l’enfance doivent être regardés comme autorisés à séjourner en France lorsqu’ils sollicitent, pour la conclusion d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation à durée déterminée, une autorisation de travail ». En application du deuxième alinéa de l’article L. 5221-5 du code du travail, « cette autorisation doit leur être délivrée de plein droit, sans que puissent y faire obstacle les dispositions de l’article R. 5221-22 du même code, qui identifient certains cas dans lesquels la situation de l’emploi ne peut être opposée aux étrangers pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance qui sollicitent une autorisation de travail ». La DIRECTE ne pouvait donc pas renvoyer l’intéressé vers les services de la préfecture pour qu’il y dépose une demande de titre de séjour.
Le juge des référés a ensuite considéré « qu’en contraignant M. B., âgé de dix-sept ans au moment de sa demande, à reporter d’une année le début de sa formation en alternance dans le cadre d’un CAP de cuisinier, alors que le suivi par l’intéressé d’une formation avant sa majorité est, au surplus, l’une des conditions de la délivrance ultérieure d’un titre de séjour sur le fondement de l’article L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le refus opposé par la DIRECCTE Unité territoriale Languedoc-Roussillon a porté une atteinte grave et manifestement illégale à l’intérêt supérieur de l’enfant et à l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction ». Le recours du ministre a donc été rejeté. »