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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : Le Monde - 3/1/2019

Dans le « New York Times », des associations dénoncent le comportement des gardes-côtes libyens lors d’un sauvetage qui a tourné au drame en novembre 2017, et appellent les Européens à prendre leurs responsabilités.

En 2018, 2 262 migrants sont morts en tentant de traverser la Méditerranée, selon les derniers chiffres publiés, le 31 décembre, par le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies. Sur la courbe retraçant depuis 2014 le nombre de morts et de disparus au large des côtes turques, libyennes ou tunisiennes, la statistique montre une baisse : en 2017, 3 139 personnes n’avaient pas survécu à leur tentative d’atteindre l’Europe à bord de fragiles embarcations clandestines, souvent surchargées. En proportion, la mortalité a toutefois un peu augmenté en 2018 par rapport à l’année précédente.

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C’est l’histoire de vingt de ces migrants, morts noyés au large de Tripoli malgré la présence autour d’eux d’un navire de la marine libyenne et d’un bateau de l’ONG Sea-Watch, le 6 novembre 2017, que deux groupes de recherche de l’université de Londres, Forensic Architecture et Forensic Oceanography, ont reconstitué en détail dans une vidéo publiée dans la rubrique « Opinion » du New York Times. En exploitant les images de plus de dix caméras et le témoignage de dix-sept des survivants, les chercheurs soutiennent que les gardes-côtes libyens ont « violé de manière éhontée » les droits de l’homme lors de leur intervention auprès de l’embarcation, à bord de laquelle se trouvaient au moins 125 personnes, selon les témoignages.

Opération de sauvetage à 55 kilomètres des côtes libyennes

Les premières heures de navigation du canot pneumatique, parti des côtes libyennes dans la nuit du 5 au 6 novembre, se déroulent pourtant sans accroc. Mais la météo se dégrade progressivement, et le bateau commence à prendre l’eau. C’est le moment choisi par un des migrants à bord pour appeler, avec son téléphone satellite, les autorités italiennes. Comme le prévoit la loi, celles-ci relaient l’appel à l’aide à l’ensemble des navires situés à proximité de la position communiquée par les migrants.

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Deux heures plus tard, un bateau des garde-côtes libyens, le Ras-Jaddir-648, arrive en premier sur les lieux. Contrairement aux conventions en cas d’opérations de secours en mer, aucun canot de sauvetage n’est mis à l’eau – les marins affirmeront par la suite que celui dont ils disposaient était cassé –, seule une échelle est descendue le long du bateau. L’embarcation des migrants se porte à sa hauteur, mais face à la houle, plusieurs d’entre eux meurent noyés, coincés entre la coque du Ras-Jaddir et leur propre embarcation.

Un migrant tente de monter à bord d’un canot de l’ONG allemande Sea-Watch, au large de la Libye, le 6 novembre 2017.

Les migrants qui parviennent sur le pont sont forcés à s’asseoir et sont frappés par des marins, comme l’attestent les images diffusées par le New York Times. Dans l’eau, plusieurs dizaines de personnes tentent toujours de se maintenir à la surface, certains sans l’aide d’un gilet de sauvetage.

Un peu plus loin, un bateau de l’ONG allemande Sea-Watch a également reçu l’appel des gardes-côtes italiens, et se rend à son tour auprès des naufragés. Deux canots sont mis à l’eau et s’approchent des migrants dispersés tout autour du bateau libyen, pour les sortir de l’eau et lancer des gilets de sauvetage à ceux qui ne savent pas nager. Plusieurs dizaines d’entre eux seront ramenés, vivants, à bord du bateau humanitaire.

Le 6 novembre 2017, l’équipage de Sea-Watch a secouru 58 personnes après le naufrage d’une embarcation au large des côtes libyennes.

Intervention de la marine italienne

L’accueil des garde-côtes libyens est peu cordial : les sauveteurs sont priés de ne pas s’approcher de leur bateau. Les menaces fusent, les projectiles aussi – les secouristes reçoivent même une pomme de terre lancée par un marin. A l’approche de Sea-Watch, plusieurs migrants font le choix de s’échapper du bateau libyen pour rejoindre les secours, qui doivent battre en retraite devant les menaces.

Un homme, après avoir reçu des coups, saute par-dessus la rambarde

Sans aucun moyen de ramener à bord les migrants encore à l’eau, les garde-côtes libyens voient encore une personne se noyer sous leurs yeux. Au moment où ils décident de partir, un homme, après avoir reçu des coups, saute par-dessus la rambarde. Il reste accroché à l’échelle, juste au-dessus de l’eau, pendant que le bateau accélère, ignorant les appels de Sea-Watch à ralentir. Il faudra qu’un hélicoptère de la marine italienne, arrivé sur place entre-temps, le dépasse et se positionne devant le Ras-Jaddir pour que celui-ci décélère et fasse remonter l’homme à bord.

Plusieurs migrants ont essayé de fuir les gardes-côtes libyens pour rejoindre les canots de Sea-Watch pendant l’opération.

Ce jour-là, Sea-Watch a secouru cinquante-huit personnes. Quarante-sept migrants sont repartis avec la marine libyenne, faisant craindre aux associations des placements en centre de détention et des maltraitances de la part des autorités. Cinq migrants, dont un nouveau-né, sont morts pendant l’opération de sauvetage. Quinze autres migrants s’étaient noyés avant même l’arrivée des secours.

C’est à partir des témoignages de dix-sept migrants survivants du 6 novembre 2017 que deux associations ont décidé, en 2018, de poursuivre l’Etat italien devant la Cour européenne des droits de l’homme. Pour le Global Legal Action Network (GLAN) et l’Association pour une étude juridique de l’immigration (ASGI), qui se sont fondés sur le travail des chercheurs pour mener leur action, l’accord de coopération signé entre les autorités italiennes et libyennes rend les premières également responsables de la mauvaise gestion du sauvetage : le Ras-Jaddir-648 avait été rénové et équipé par l’Italie, huit des treize membres de l’équipage ont été formés par l’Union européenne au sauvetage en mer.

« Les gouvernements européens font tout pour éviter leur responsabilité morale et légale de protéger les droits humains de personnes fuyant la violence et la pauvreté », écrivent les auteurs de la tribune du New York Times, dont certains sont impliqués dans la procédure judiciaire. « Je n’ai jamais souhaité être sur ce canot pneumatique, témoigne un des migrants face à la caméra. La seule chose que je souhaite, c’est être en sécurité. »

Retrouvez par ailleurs | le blog « A bord de l’Aquarius », où notre journaliste Julia Pascual a rapporté le récit de son séjour à bord du navire humanitaire des ONG SOS Méditerranée et Médecins sans frontières.

 

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