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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : Le Monde - Nathalie Guibert et Frédéric Bobin - 22/2/2019

Les organisations humanitaires dénoncent la vulnérabilité croissante des migrants en Libye due à la montée en puissance des gardes-côtes du pays.

Dans un geste inédit, la France a annoncé « la cession » à la Libye de six bateaux « pour la marine libyenne », lors du point presse hebdomadaire du ministère des armées, jeudi 21 février, sans autre précision. Le cabinet de la ministre, Florence Parly, a indiqué au Monde avoir communiqué cette décision à Faïez Sarraj, chef du gouvernement d’« union nationale » – soutenu par la communauté internationale mais dont l’autorité se limite à la Tripolitaine (ouest) – à l’occasion d’une entrevue, samedi 16 février, en marge de la conférence de Munich sur la sécurité.

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Selon Paris, ces hors-bord sont destinés à renforcer la flotte des gardes-côtes libyens, notamment en matière de lutte contre l’émigration clandestine et le terrorisme. Une telle initiative française sans précédent – l’Italie était jusque-là le seul Etat européen à équiper les gardes-côtes de Tripoli – ne devrait pas manquer de nourrir la controverse en raison des violences que subissent les migrants interceptés en mer.

« Conditions abjectes »

« Il s’agit d’un pas supplémentaire dans la coopération européenne avec la Libye pour renforcer le contrôle de sa frontière au prix de conditions de détention abjectes pour les migrants », dénonce Michaël Neuman, directeur d’études chez MSF-Crash(Centre de réflexion sur l’action et les savoirs humanitaires).

Les six bateaux en passe d’être cédés à Tripoli sont des embarcations pneumatiques semi-rigides de type militaire dites « Rafale », longues de douze mètres. L’entreprise Sillinger, qui les construit, doit d’abord les livrer à la marine française à Toulon en trois lots de deux entre mai et novembre. Il s’agit de bateaux qui ont été commandés à Sillinger par la France et seront livrés à la marine française à Toulon, et que la France cédera ensuite à son homologue.

Ce chantier, spécialisé dans les semi-rigides à usage militaire, équipe notamment des forces spéciales. Les bateaux livrés à Tripoli ne seront toutefois dotés d’aucun accessoire particulier, outre un GPS et un radar. Ils ne seront notamment pas équipés de supports permettant aux Libyens d’y placer des armes lourdes de type mortier ou canon. Ces embarcations pneumatiques sont vouées à faciliter le transfert et le débarquement des migrants interceptés en mer.

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La Libye disposerait déjà de huit vedettes rapides « grises » de seize mètres, selon Flottes de combat, qui les attribue à la marine nationale. Avec son geste, la France apporte ainsi sa – modeste – pierre à une coopération jusque-là dominée par l’Italie, laquelle était engagée auprès de Tripoli en vertu d’un accord bilatéral remontant à 2008 sous le régime de Mouammar Kadhafi. La révolution de 2011, durant laquelle des bâtiments ont été endommagés, avait perturbé l’exécution de cet accord.

Quatre patrouilleurs italiens ont finalement été livrés à Tripoli en février 2017, et le Parlement de Rome a ensuite débloqué, en août 2018, un train supplémentaire de douze patrouilleurs, dont l’un de 27 mètres a été mis à disposition deux mois plus tard.

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L’aide européenne, italienne en particulier, dont la formation du personnel des gardes-côtes libyens est un autre volet, a permis d’améliorer l’efficacité des interceptions de migrants en mer. Ajoutée à la fermeture des ports de débarquement en Italie ou à Malte, et aux entraves imposées aux activités des navires de sauvetage d’ONG, cette montée en puissance des gardes-côtes libyens a contribué à enrayer le flux de migrants et de réfugiés arrivant en Italie à partir de la Libye. Ces derniers n’ont été que 23 370 en 2018, soit un effondrement de 80,5 % par rapport à 2017 et de 87,2 % par rapport à 2016.

Mais ces résultats statistiques comportent une face cachée : la vulnérabilité croissante des migrants et réfugiés piégés dans le système de centres de détention libyens. « Les centres sont en état de surpopulation avec une moyenne de 1,5 m² par personne », déplore Julien Raickman, chef de mission Médecins sans frontières en Libye. Selon un officiel libyen cité dans un rapport de Human Rights Watch paru en janvier, le nombre de migrants et réfugiés détenus après avoir été « interceptés » s’était élevé à 8 672 à la mi-2018.

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Dans un rapport diffusé en décembre 2018, la mission des Nations unies pour la Libye fait état de « tortures et autres mauvais traitements, travail forcé, viols et violences sexuelles commis en toute impunité » par les gardes de ces établissements liés au gouvernement de Tripoli. Le document de l’ONU demande aux Européens d’assortir leur coopération avec la Libye en matière migratoire de « garanties de respect du droit humanitaire », soit une critique voilée de la tournure prise par cette même coopération.

Nathalie Guibert et Frédéric Bobin (Tunis, correspondant)

 

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