En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies pour vous proposer des services adaptés.

Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Médiapart - Pour la régularisation définitive des sans-papiers - 2/7/2020

Courrier adressé le 1er juillet 2020 aux parlementaires par les organisations à l'initiative de la campagne collective nationale pour la régularisation inconditionnelle et pérenne de toutes les personnes sans-papiers. Nous les appelons, en tant que représentant·es élu·es, à porter avec nous ces demandes au sein des hémicycles, à les défendre et les traduire en termes législatifs.

À l’attention des parlementaires

Sortir du déni : faire face à la réalité de la situation des personnes en précarité administrative

Nous savons que parmi les personnes étrangères qui vivent en France, certaines sont en situation irrégulière. Par définition, il n’est pas possible d’évaluer leur nombre. Les chiffres des bénéficiaires de l’AME [1], estimés entre 350 000 et 400 000, sont souvent évoqués. Cependant ce chiffre est imparfait : d’une part, certaines de ces personnes peuvent avoir été régularisées sur de courtes périodes ou l’être dans l’avenir ; d’autre part, toutes les personnes irrégularisées ne disposent pas de l’AME [2].


Plusieurs cas de figure expliquent l’absence de titre de séjour

Les personnes se retrouvent « sans papier » pour différentes raisons : elles sont entrées sur le territoire sans titre, elles n’ont pas fait ou pas pu faire renouveler leur premier titre de séjour, ou elles ont été déboutées de leur demande.


Aux personnes “sans-papiers”, s’ajoutent celles qui ont une situation administrative précaire

Nous désignons par cette expression d’une part celles qui ont un titre de séjour court (6 mois ou un an, sans assurance qu’il sera renouvelé), d’autre part celles qui disposent d’une attestation de procédure en cours dans l’attente d’une réponse de l’administration. Ces situations précaires concernent des personnes très diverses : nouvellement arrivées autant que présentes depuis de nombreuses années, avec mille raisons de venir en France. Il pouvait s’agir d’une étape vers un autre pays ou pour s’y installer durablement, pour échapper à des conflits ou par envie de nouveaux horizons, pour des opportunités ou par affinité, etc. La politique migratoire française est telle qu’une classification est faite entre ces personnes sur des motifs divers, complexifiant leur installation ou passage dans le pays et les précarisant. Cette classification crée des inégalités de traitement et est donc contraire à l’égalité des droits de toutes et tous.

Toutes les personnes en situation administrative précaire vivent dans une grande incertitude, sans possibilité de se projeter dans l’avenir et sans pouvoir être autonomes. Nous dénonçons cette précarité et appelons à y mettre fin en assurant une stabilité administrative par un droit au séjour pérenne.

Ces personnes ne recourent pas toujours à leurs droits

Bien que les personnes concernées aient des droits, elles ne les font pas systématiquement valoir. D’ailleurs l’ampleur de ce non-recours aux droits est rapportée par de nombreux chercheur·euses et membres d’ONG. Cette situation s’explique doublement : par la nature profondément complexe des démarches administratives et par la mise en oeuvre du droit des étranger·es qui repose grandement sur des lois discriminantes et sur le pouvoir discrétionnaire de l'administration.

Ces personnes sont installées durablement en France

Nous voulons également insister sur le fait que la présence de ces personnes est envisagée dans les textes comme devant rester provisoire. Pourtant, elles ont fait le choix, responsable et autonome, parfois au péril de leur vie, de l'exil, pour des raisons qui leur sont propres et que nous ne devons pas juger. Elles ne sont pas que de passage, d’une part parce qu’elles sont venues trouver un refuge face à des situations sur lesquelles elles n'ont pas de prise, et d’autre part parce que les politiques migratoires des États européens leur rendent toute mobilité dangereuse : celles-ci ne leur permettent plus d’exercer cette mobilité dans la régularité, ni d’envisager sereinement des allers-retours.

Si la France souhaite être exemplaire sur le plan des droits humains, elle doit assurer l’égalité des droits entre toutes les personnes qui vivent sur son territoire. L’égalité des droits ne relève pas d’une inclinaison humanitaire mais bien d’un projet politique, créant les conditions pour faire société ensemble.

La précarité administrative et le travail : risque d’abus et d’exploitation, manque de protection des travailleur·euses

La plupart des personnes sans-papiers et en précarité administrative travaillent

Pour cela, elles n’ont d’autre choix que de se tourner vers le travail non déclaré ou illégal afin de trouver les moyens de leur subsistance. De nombreux métiers sous tension, indispensables à notre société, sont exercés par ces travailleur·euses non déclaré·es, donc non protégé·es. Alors que nombre d’employeurs souhaiteraient les embaucher dans le respect du droit, les personnes sans-papiers se retrouvent à la merci d’employeurs indélicat·es, qui les exploitent (heures de travail non payées, salaires inférieurs au Smic, non-respect des règles d’hygiène et sécurité, licenciements brutaux…).

Le travail non-déclaré empêche la protection, l’inclusion et la justice sociale

Cette situation d’exploitation est imposée aux sans-papiers, reconnu·es comme victimes aux yeux des prudhommes, les employeurs sont condamnables devant les tribunaux. Cependant, il ne leur est pas facile d’agir devant les juridictions, par peur que leur situation de séjour irrégulier ainsi révélée aboutisse à une expulsion du territoire. Cette invisibilisation des personnes, outre qu’elle leur nuit, est également contraire à l’intérêt général de la société. D’une part, elle prive les caisses de protection sociale de cotisations sociales, et l’État d’impôts sur les sociétés. D’autre part, elle aboutit à des mécanismes de dumping social. Régulariser les sans-papiers, c’est aussi défendre une vision du travail qui ne tolère aucun abus et aucune surexploitation, et permet l’embauche des personnes dans le respect du droit. L’accès au droit du travail garantit protection, inclusion et justice sociale pour toutes et tous.

Une administration qui peine : sortir de la logique de l’hostilité, en faveur d'une logique de protection des droits

Les procédures d’entrée et de séjour sur le territoire français sont complexifiées, dégradées

Les préfectures sont débordées, les agent·es des organismes comme l’OFPRA et l’OFII sont totalement dépassé·es et épuisé·es, et les délais sont d’une longueur indécente lorsqu’on sait que les conditions de vie des personnes en dépendent. L’État a depuis longtemps renoncé à doter ces administrations des moyens nécessaires pour qu’elles remplissent correctement leurs missions, tant sur les délais d’enregistrement des demandes que sur les durées d’instruction des dossiers. Par exemple, pour la procédure d’asile, le délai légal de 3 jours pour être enregistré·e en GUDA (Guichet Unique de la Demande d’Asile) n’est jamais respecté. En outre, les politiques de mises à l’abri, incombant à l’État [3], sont lacunaires, laissant des milliers de personnes en France à la rue, ce qui crée des camps improvisés.

Des politiques coûteuses qui fabriquent du « sans-abrisme » et des injustices

La Rapporteuse spéciale sur le droit à un logement convenable pour le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l’Homme alerte sérieusement sur le « sans-abrisme » en France [4], avec en point d’orgue les situations de camps (Calais, région parisienne, etc.).

Cet état de fait est l’héritage de plusieurs décennies de politiques de plus en plus rigides quant aux conditions d’entrée et de séjour : raccourcissement de la durée de validité des titres de séjour, renouvellements plus fréquents engendrant plus de démarches administratives, conditionnalité des titres de séjour, voire procédures au cas par cas avec la circulaire Valls [5]. Ces politiques sont en écho à celles menées au niveau européen : le règlement Dublin III – dont la façon dont il est mis en oeuvre en France – est largement critiqué pour son non-sens, ses coûts aussi bien financier qu’humain inutiles, et les injustices qu’il occasionne. La Cour des comptes, dans son rapport de mai 2020 [6], vient d’affirmer que l’accueil, le séjour, les possibilités d’emploi, les procédures administratives et les retours - soit tout ce qui concerne les étranger·es en France, qu’ils ou elles soient en situation régulière ou irrégulière - sont dysfonctionnels et inadaptés, engendrant des coûts démesurés.

Collectivités territoriales face à la précarité administrative : entre limites des compétences, des moyens et iniquités territoriales, comment servir l’intérêt général ?

Les collectivités territoriales sont contraintes de gérer dans l’urgence les effets de situations qui ne sont pas de leur compétence

Le CESEDA [7] désigne l’État comme compétent en matière de politiques migratoires (délivrance de visas / titres de séjour, conditions de séjour des personnes étrangères sur le territoire français).

Pourtant, ce sont bien dans les villes que la plupart des personnes vivent. Dépossédées des moyens de leur autonomie, les personnes sans-papiers se retrouvent dépendantes des services sociaux des collectivités, des associations de solidarité, des citoyen·nes engagé·es dans la défense des droits humains.
Ce sont auprès des départements que les mineur·es non-accompagné·es et les jeunes majeur·es viennent chercher protection. Quant aux régions, elles peuvent participer à travers leurs compétences (transports, lycées, formation professionnelle, développement économique du territoire) à l’inclusion de ces personnes qui n’aspirent qu’à vivre dans l’égalité des droits.

En revanche, aucun de ces échelons administratifs n’a vraiment de prise pour empêcher la précarité administrative et ses conséquences terribles pour les personnes concernées. Malheureusement, l’urgence les contraint parfois à aller à l’encontre de leurs missions sociales. Par conséquent, il faudrait penser les dispositifs de la politique sociale de façon pérenne et octroyer plus de moyens à ces échelons.

Une prise en charge disparate par les collectivités territoriales renforce l’inégalité des droits

Face à cette situation aux antipodes des valeurs de la République, des collectivités s’inscrivent dans une démarche d’accueil et tentent d’agir avec les moyens du bord en assumant des missions bien au-delà de leurs compétences. Ce n’est pas le cas sur l’ensemble du territoire, ce qui contribue à accroître une inégalité territoriale, de même que l’application de la circulaire Valls, soumise au pouvoir discrétionnaire des préfet·es, ce qui est tout à fait contraire au principe d’égalité des droits.

Cette absence d’équité territoriale conjuguée à l’inégalité des droits est incompatible avec les fondements de la République (Article 1er de la Déclaration des Droits de l’Homme [8] et du Citoyen, Préambule de la Constitution de 1946 [9], les deux présents dans la Constitution de la cinquième République).

Ainsi, la régularisation des personnes sans-papiers et la fin des situations administratives précaires répondent bien à des enjeux qui relèvent de l’intérêt général. En plus de servir l’égalité des droits, cette mesure permettrait à l’État de renforcer la lutte contre le travail dissimulé et l’exploitation des êtres humains par l’économie souterraine, aux collectivités de contribuer à renforcer la cohésion sociale, aux acteur·rices pluriel·les de notre société de bénéficier de la contribution sociale et économique de ces personnes qui participent bel et bien déjà à la vie locale.

La mobilisation massive en faveur de la régularisation et la fin de la précarité administrative

Une demande de régularisation qui émane d’acteur·rices diversifié·es

Dans une lettre au Premier ministre datée du 8 avril, 48 parlementaires français (aujourd’hui au nombre de 125) [10] ont demandé la régularisation temporaire des personnes sans-papiers présentes sur le territoire français pendant l’épidémie de coronavirus. Ils et elles invoquent « une mesure de salubrité publique » face à la « situation dramatique des sans-papiers et des sans-abri ». Cette initiative ne constitue pas une exception française. La régularisation, conditionnelle et temporaire, a été adoptée par les chambres parlementaires portugaises, espagnoles et italiennes.
De très nombreux groupes – associations, collectifs, partis politiques, élu·es dont parlementaires nationaux et européens, collectivités territoriales, personnalités et citoyen·nes – ont appelé et continuent d’appeler à converger pour obtenir une régularisation pérenne et inconditionnelle des personnes étrangères sans titres de séjour et la fin des situations administratives précaires [11].

Une convergence en faveur d’un droit au séjour pérenne pour toutes et tous

Nous inscrivons notre démarche collective dans une revendication pour l’égalité des droits en réclamant une stabilisation administrative à travers un droit au séjour pérenne. Nous ne voulons pas vivre dans une société qui divise ses habitant·es en catégories servant à discriminer sur la base de droits auxquels certains auraient accès et d’autres pas. Nous vivons toutes et tous ici, dans le même pays, y contribuant et y participant toutes et tous. Refuser à certain·es la possibilité de cette participation est forcément contraire à l’intérêt général.

C’est la première fois depuis très longtemps qu’une telle convergence et une telle mobilisation ont lieu. C’est le signe indéniable que l’injustice est insupportable autant pour les personnes en précarité administrative, qui désormais osent le dire haut et fort dans la rue (comme lors des mobilisations massives du 30 mai et du 20 juin), que pour les citoyen·nes français·es qui ne se reconnaissent plus dans une société de plus en plus éloignée des valeurs de Liberté, Égalité, Fraternité. Au moment où de nombreuses voix appellent à réfléchir au « monde d'après », cette question de l'égalité des droits de nous toutes et tous, avec et sans papiers, qui vivons et faisons société ensemble, ne doit-elle pas être mise au cœur des transformations à mener ?

La pandémie du COVID-19 a agi comme un révélateur. Elle a rendu à la fois visible tant la capacité de ces personnes à assumer des postes vitaux en période de confinement que l’inégalité des droits de toutes et tous (absence de logement, de protection, d’accès à la santé, etc.).

Il n’est pas seulement question de défendre l’intérêt d’une partie invisibilisée de la population, mais bien de défendre l’intérêt général pour une société égalitaire, comme en témoigne la pluralité des acteur·rices qui se rassemblent pour soutenir la régularisation inconditionnelle et pérenne des personnes sans-papiers. 


La convergence des appels en faveur de l’égalité des droits

Association Nationale des Villes et Territoires Accueillants | ANVITA

Collectif Intersquats des Exilé·e·s Lyon et Environs | CIELE

Collectif Interorga de Rennes

 États Généraux des Migrations | EGM

Marche des Solidarités

Modus Operandi

Réseau Universités Sans Frontières 38 | RUSF38

 

 

Visites au CRA

Archive

Powered by mod LCA