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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Le Monde - Jérôme Gautheret - 27/07/2020

Après l’immobilisation de l’« Ocean-Viking » et le « Sea-Watch », plus aucun bateau n’opère actuellement au large de la Libye pour secourir les migrants.

Samedi 25 juillet, un navire en détresse avec à son bord 108 migrants, parti quelques heures plus tôt des côtes libyennes, a été signalé par le Moonbird, l’avion de surveillance de l’ONG humanitaire Seawatch, puis pris en charge par un navire marchand battant pavillon italien, le Cosmo. Une fois mis en sécurité, les rescapés ont été conduits dans le port de Pozzalo, à l’extrémité sud de la Sicile, qui a été choisi comme lieu de débarquement. Là, ils ont tous été placés à l’isolement et soumis à des tests sérologiques, crise sanitaire oblige. Puis, l’équipage a été autorisé à repartir.

L’opération a été conclue en quelques heures. Quelques jours plus tôt, l’Ocean-Viking, un navire humanitaire affrété par l’ONG SOS-Méditerranée, avait eu nettement moins de chance. Le 7 juillet, le bateau a été autorisé à débarquer 180 migrants secourus en mer dans un autre port du sud de la Sicile, celui de Porto Empedocle. Là, les naufragés ont été transférés sur un ferry puis mis à l’isolement, tandis que les autorités italiennes demandaient à l’équipage de mouiller au large, pour observer une quarantaine de quatorze jours. Le 21 juillet, cette mesure était levée, mais quelques heures plus tard, l’Ocean-Viking était de nouveau immobilisé, en raison de plusieurs « irrégularités techniques et opérationnelles » constatées par les gardes-côtes italiens lors d’une inspection à bord. Lesquelles ? Après quelques heures de flottement et en l’absence de toute communication officielle des gardes-côtes, les motifs de cette immobilisation sont finalement apparus dans toute leur absurdité : selon les autorités italiennes, l’Ocean-Viking, lors de son arrivée en Sicile, comptait à son bord plus de « passagers » qu’il n’en peut théoriquement accueillir.

« Dégénérescence de la culture maritime »

Une accusation qui a fait bondir l’amiral Vittorio Alessandro, ancien porte-parole national des gardes-côtes italiens. Devant le micro de Radio Radicale, celui-ci a réaffirmé les principes intangibles régissant les opérations de sauvetage en mer : « Quand le centre de coordination des gardes-côtes (MRCC) demande à un navire qui se trouve dans le canal de Sicile de se diriger vers une embarcation en détresse, il ne demande pas combien de personnes il peut accueillir à bord », a-t-il rappelé, soulignant ensuite qu’« assimiler un naufragé à un passager est une insupportable dégénérescence de la culture maritime ». « Les inspections sont toujours les bienvenues, a ajouté l’amiral à la retraite. Mais ce n’est pas par hasard qu’elles ne sont déclenchées qu’après les opérations de sauvetage et visent uniquement les navires des ONG. »

De fait, ces derniers mois, les pouvoirs publics italiens semblent être devenus étrangement tatillons envers les navires humanitaires. Quelques semaines plus tôt, le navire de l’autre ONG opérant dans la zone, le Sea-Watch, en a fait l’amère expérience. Après une opération de sauvetage, celui-ci a été placé à l’arrêt pour plusieurs « irrégularités administratives », parmi lesquelles… un nombre excessif de gilets de sauvetage à son bord.

Pour risibles que soient ces reproches, le résultat est clair : il n’y a plus, pour l’heure, le moindre navire humanitaire dans les eaux internationales, face aux côtes libyennes. Les gardes-côtes italiens n’opèrent plus dans la zone et se bornent à croiser dans les eaux italiennes, seuls subsistent dans le canal de Sicile les « gardes-côtes » libyens, qui opèrent dans la plus complète opacité.

Situation complexe à Lampedusa

A Rome, les communications officielles sont limitées au strict minimum, afin de ne pas s’exposer aux critiques de la Ligue de Matteo Salvini, qui ne cesse de dénoncer le supposé laxisme du gouvernement. Les chiffres font état de l’arrivée de 11 000 migrants entre le 1er janvier et le 24 juillet. C’est plus qu’en 2019, où seules 3 500 personnes avaient été accueillies, mais moins qu’en 2018 (18 000 environ) et surtout qu’en 2017, où plus de 120 000 personnes avaient été secourues en mer durant les six premiers mois de l’année. Malgré l’instabilité persistante en Libye, les accords conclus en 2017 avec le gouvernement de Tripoli et plusieurs chefs locaux semblent toujours respectés, et les « gardes-côtes » libyens contrôlent désormais les eaux internationales, à l’écart des témoins.

Pour l’Italie, la situation est autrement plus complexe à Lampedusa. Située à 150 kilomètres à peine des côtes tunisiennes, la petite île vit depuis des mois au rythme de venues sporadiques de migrants qui arrivent par leurs propres moyens, la plupart du temps à bord de bateaux de pêche. Avant le début de la crise sanitaire, ceux-ci ne restaient sur l’île que quelques heures, et étaient redirigés au plus vite vers la Sicile. Mais depuis le début du printemps, les transferts se sont faits plus rares, au point que le centre d’accueil, dont la capacité théorique est d’à peine 100 personnes, enregistrait samedi la présence de plus de 1 000 demandeurs d’asile. 520 d’entre eux ont été envoyés dimanche en Sicile, ce qui a un peu amélioré la situation, mais les conditions sur l’île restent extrêmement précaires.

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Jeudi 23 juillet, l’ancien ministre de l’intérieur italien Matteo Salvini est venu sur l’île, et a diffusé sur les réseaux sociaux une vidéo enregistrée au moment précis de l’arrivée dans le port d’un bateau de pêche venu de Tunisie : « Ces clandestins vont rester ici, aux frais des Italiens », a-t-il dénoncé, en montrant du doigt l’embarcation.

Quelques heures plus tard, le maire de l’île, Toto Martello, demandait au gouvernement de déclarer l’état d’urgence sur l’île, précisant : « Sinon, je le ferai moi-même. » Concernant la vidéo diffusée par Matteo Salvini, il s’est borné à commenter : « Quand il était au ministère de l’intérieur, il y avait aussi des arrivées. Mais il n’est jamais venu ici faire de la propagande. »

 

 

 

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