Source : InfoMigrants - Bahar Makooi - 16/10/2020
Le couvre-feu annoncé par le président Emmanuel Macron interdit toute sortie en dehors de son domicile après 21h en région parisienne et dans huit métropoles françaises à partir du vendredi 16 octobre à minuit. Qu’en est-il des personnes vivant à la rue ? Les associations d’aide aux migrants sans-abri attendent des réponses du gouvernement.
“Mardi minuit, nous avons appris que nous passions en zone d'alerte maximale [indicateur de la situation sanitaire liée au Covid-19]. Quelques heures plus tard, mercredi à 5 h du matin, les 200 migrants du squat de Blagnac ont été expulsés sans solution de logement pérenne”, dénonce Anna, la coordinatrice d’Utopia 56 à Toulouse.
La bénévole n’est pas au bout de ses surprises. Mercredi soir, le président français Emmanuel Macron décrète un couvre-feu interdisant à toute personne de se déplacer en dehors de son domicile entre 21 h et 6 h du matin en région parisienne et dans huit métropoles françaises, dont Toulouse. "Ca ne fait pas sens !”, estime-t-elle, au regard de la situation des migrants mis à la rue.
Une partie des migrants évacués du squat de Blagnac, uniquement les demandeurs d’asile, a pu être relogée dans un des hôtels, mais pour deux nuits seulement. “Ils ont passé des tests Covid et ont été remis à la rue ce matin, sans même avoir eu les résultats de ces tests”, regrette Utopia 56. “Ils ont rejoint les autres évacués sans-papiers dans un nouveau squat, sans électricité, dans le même quartier de Blagnac”, précise l’association d’aide aux migrants à la rue.
"Nous continuerons à distribuer des repas"
Pour cette association, il y a donc une incohérence flagrante, et ignorée, entre cette nouvelle mesure sanitaire et les conditions de vie des migrants à la rue. “Nous n’avons aucune information des autorités au sujet de l’application du couvre-feu pour ces personnes, nous attendons des solutions d’hébergement urgentes. Nous sommes en période de pandémie, ces personnes - dont des familles et des mineurs - doivent être mises à l’abri”, demande Gaël Manzi, d’Utopia 56.
L'association entend continuer ses maraudes nocturnes dans diverses villes de France, notamment Paris et sa région, malgré le couvre-feu. “Nous ne modifieront pas nos horaires, nous sommes parfois les seuls à intervenir auprès des migrants pendant la nuit”, explique Gaël Manzi.
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Même urgence du côté de Solidarité Migrants Wilson, dont les très nombreux bénévoles distribuent des repas chauds, plusieurs soirs par semaine à la Porte de Paris à Saint-Denis et à la Porte d’Aubervilliers. Mardi, près de 1500 personnes ont bénéficié de ces repas sur trois sites. “La situation ne s’arrange pas”, dénonce Clarisse Bouthier, qui constate de plus en plus de monde aux distributions. “Nous continuerons à donner les repas, nous ne sommes pas en mesure de respecter ce couvre-feu”, indique-t-elle, elle aussi.
Selon ce collectif, près de mille personnes vivent actuellement dans le campement de Saint-Denis, la plupart étant des hommes seuls. “Mais des femmes et des bébés sont également à la rue”, précise Solidarité Migrants Wilson qui attend également des solutions d'hébergement pérennes de la part de l'État et de la mairie de Paris.
Une centaine de mineurs dorment dehors à Paris
Le couvre-feu annoncé ravive également l'inquiétude des associations engagées auprès des mineurs isolés non accompagnés. À Paris, une centaine d'entre eux vivent encore à la rue, estime Agathe Nadimi, du collectif Les Midis du Mie. “J'espère qu’un système de maraude étatique va être mis en place pour les mettre à l’abri”, souffle-t-elle sans trop y croire. Le collectif commence déjà à s’organiser pour mettre en place des hébergements solidaires, au cas où l’État et la ville de Paris feraient la sourde oreille.
“On ne peut pas laisser des mineurs à la rue alors qu’il y a un couvre-feu et que les températures commencent à baisser. Nous récupérons des jeunes en tongs et en T-shirt qui dorment dehors, alors qu’il pleut et qu’il fait froid”, déplore la fondatrice du collectif.
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Les Midis du Mie accompagne des dizaines de jeunes dans des hébergements solidaires. Le collectif a réussi à mettre à l'abri une quinzaine de jeunes dont la minorité n'a pas encore été reconnue depuis début octobre dans un théâtre de Seine-Saint-Denis en banlieue parisienne. Une solution temporaire puisque le théâtre prête ses locaux jusqu’à la fin novembre.
Au vu de la situation, Agathe Nadimi espère d'autant plus pouvoir prolonger ce dispositif et trouver d’autres partenariats solidaires similaires.
Dans son discours du mercredi 14 octobre, Emmanuel Macron, a précisé que les associations pourraient continuer à aider les plus précaires, sans donner de détails.