Source : La dépêche - Laurent Gauthey - 17/12/2020
Pour Lana, pianiste de talent, son frère Giorgi, ancien policier, sa femme et leurs deux enfants, le départ pour la Géorgie est fixé au 26 décembre. Le lendemain de Noël. Autour de cette famille menacée après le rejet de sa demande d’asile, la mobilisation grandit depuis avant-hier. Un rassemblement est prévu ce vendredi 18 décembre, à 10h30, au Monument à la Résistance, à Foix (et non devant la préfecture). L'audience devant le tribunal administratif, à Toulouse, est prévue l'après-midi même, à 15 h 30, à la suite du recours déposé par l'avocat de la famille.
Deux jours auront suffi pour que naisse une vaste mobilisation autour de Lana Gunia, et de son frère Giorgi, son épouse et leurs deux enfants, Elisabedi, 11 ans et Giorgi, 12 ans (qui porte le nom de son père). La famille est menacée d’expulsion le 26 décembre et l’indignation grandit : dans les classes des deux enfants, leurs camarades sont sous le choc. Au point que, dans la classe de Giorgi, hier matin, les collégiens ont écrit un petit mot de soutien à leur petit camarade, signé par l’ensemble des élèves de la classe (1) ; bientôt rejoints par des enseignants, des parents d’élèves, des mamans, (lire ci-dessous), et des militants associatifs. Du côté de Résistances et du Secours Populaire où Lana et son frère Giorgi sont bénévoles depuis leur arrivée en France, voici deux ans, et où ils comptent de très nombreux soutiens, leur dévouement et leur disponibilité sont chaleureusement salués par Marlène Tardif (Résistances) et Laure Bellet (Secours Populaire). Lana, pianiste de grand talent, a su aussi créer des liens du côté de l’Ensemble Ariège-Pyrénées :: elle s’est notamment produite aux côtés de Joël Dumont, pour un duo qui a marqué les esprits.
Une mobilisation aura lieu demain, à partir de 10h30, devant le Monument de la Résistance, sur les allées de Villote (et non devant la préfecture, le point de rendez-vous a été modifié par les organisateurs). Elle coïncide avec... la Journée internationale des Migrants, qui a lieu également ce vendredi.
Enfin, autant que sa bonne volonté et son intégration, c’est le parcours et les souffrances de cette famille qui émeuvent ses nombreux soutiens. "Ils ont connu un premier exode en Géorgie, lorsque la région où ils vivaient a été envahie par les Russes", fait remarquer Valérie Guillaudot, de l’association Résistances. Giorgi Gunia a dû quitter son travail de policier, refusant certaines pratiques qu’il condamnait, et a été victime de violences physiques graves. Son épouse est gravement malade. "Nous ne sommes plus en sécurité en Géorgie. C’est pour cela que nous sommes partis. Nous ne sommes pas là pour nous amuser", résume Lana Gunia, aujourd’hui enceinte. La jeune femme, dont le père est gravement malade lui aussi, n’ose pas rentrer dans son pays, ne serait-ce pour rendre visite à ses proches.
(1) Ce courrier des enfants a été joint au recours déposé mercredi par l’avocat de la famille Gunia devant le tribunal administratif. Il pourrait également être remis à la préfète de l’Ariège, vendredi matin, par les députés Bénédicte Taurine et Michel Larive. L’audience devant le tribunal a lieu ce vendredi, à 15h30, devant le tribunal administratif de Toulouse.
Voici le texte du courrier rédigé, hier matin, par les élèves de la classe de Giorgi Gunia : "Nous, les élèves de 5e 6 du collège, te soutiennent Giorgi, toi et ta famille. Nous espérons de tout cœur que tu vas rester en classe avec nous car tu as ta place. Nous pensons fort à toi dans cette période difficile. Nous sommes avec toi". Un courrier rédigé par les élèves, à leur demande, précise un délégué de parents d’élèves, membre du conseil d’administration de l’établissement.
Plusieurs enseignants du collège ont également écrit des courriers de soutien. "Giorgi s’ouvre de plus en plus aux autres et fait des progrès constants. Sa présence en classe est une véritable force tant au niveau de ce qu’il apporte de richesse culturelle et de parcours de vie. Nous devons protéger ces enfants en leur offrant la stabilité et l’instruction", détaille par exemple une enseignante, qui explique s’opposer à "l’expulsion de la famille". Une mère d’élève, dont le fils se trouve dans la classe du petit garçon, s’insurge aussi : "J’ai expliqué à mon fils, avec des mots simples, le combat que mènent Giorgi et sa famille. Il m’a dit : "Mais maman, c’est méchant. Et puis dans dix jours c’est Noël, on ne peut pas faire ça". Il a raison. Nous sommes également dans un contexte particulier, avec la Covid, où l’on nous demande de suivre des règles pour protéger les autres. Si on renvoie cette famille dans son pays, on ne la protège pas [..] Pourquoi les chasser alors qu’ils arrivent dans un pays inconnu, apprennent notre langue, conduisent leurs enfants à l’école et leur collège. Ces familles font tout pour s’intégrer, chercher du travail, offrir un avenir meilleur à leurs enfants. J’espère de tout cœur que la famille pourra rester en France". Tout le collège connaît "un bel élan de solidarité", conclut ce parent d’élève.