
Hayat Ouhami se bat désormais pour obtenir une carte de séjour. / Photo DDM, J.-M. Lamboley
Née au Maroc, elle était devenue française à 16 ans, grâce à son père. Dix ans plus tard, on lui a retiré sa nationalité. Hayat Ouhami, sans papiers ni ressources, doit élever seule deux enfants.
Extranéité : ce terme un peu barbare utilisé en droit pour désigner la qualité juridique d'un étranger, Hayat Ouhami l'a pris en pleine figure, le 23 novembre 2010. Un arrêt de la cour d'appel de Toulouse a décidé qu'elle et son fils de 8 ans, né à Albi et qui n'a connu que le Tarn, n'étaient plus des citoyens français.
Cette nationalité, la jeune femme native du Maroc l'avait pourtant obtenue en 2001, grâce à son père remarié en France. Hamid Ouhami, en souscrivant une demande de nationalité française devant le tribunal d'instance d'Albi avait mentionné le nom de sa fille de 15 ans. Hayat, qui vivait avec sa mère au Maroc, avait effectué un premier séjour de 9 mois en France en 1999. « Je suis repartie au Maroc 1 an pour me fiancer avec le père de mes enfants. » Ce sont ces fiançailles qui sont à l'origine de tous les malheurs d'Hayat. « On s'est fiancés le 3 juin 2000. On voulait se marier mais on me l'a refusé car je n'avais pas 16 ans. L'acte de mariage n'a été établi que le 9 août 2001 », affirme la jeune femme.
Le Ministère public, qui a épluché la loi marocaine, estime au contraire que le mariage d'Hayat Ouhami et Driss Oubassou a été valablement conclu le 3 juin 2000 par leur seul échange de consentements. De ce fait, la jeune femme, tenue par les liens du mariage au Maroc, ne pouvait bénéficier de l'effet collectif de la déclaration souscrite 5 mois plus tard par son père, en France. Sauf que ce lièvre n'a été levé qu'en juin 2008 par le procureur d'Albi. Entretemps, Hayat avait obtenu sa carte d'identité française, en 2002, était repartie au Maroc chercher sa fille et avait donné naissance, en 2003, à son fils Nassim, qui obtiendra la nationalité française en 2006.
Sans ressources
Hayat a bien cru sortir de l'impasse quand le tribunal de grande instance d'Albi lui a donné raison, le 22 septembre 2009. Mais le parquet a eu gain de cause en appel, à Toulouse.
Les conséquences sont terribles pour Hayat et ses deux enfants, qui ont aujourd'hui 8 et 10 ans. « Je suis sans-papiers et sans ressources. Je ne suis plus reconnue nulle part. Comment je m'en sors ? Je n'ai pas droit à la CAF. Je ne peux pas chercher de travail et le permis de conduire que j'avais obtenu ici n'est plus valable non plus. »
De guère lasse, la jeune maman a fait son deuil de la nationalité française. « Je sais qu'on ne me la donnera plus, c'est trop tard. Tout ce que je demande, c'est une carte de séjour d'1 an. J'ai déposé la demande en janvier dernier à la préfecture mais mon dossier est bloqué. Pourquoi ? », se demande Hayat Ouhami. « Pour l'instant, on instruit le dossier », répond laconiquement la préfecture. Il ne serait donc pas bloqué.
Le temps presse pour Hayat, qui accumule les retards de loyers et de factures de gaz et d'électricité et qui, pour faire manger ses enfants, « frappe à la porte des associations ». Si sa situation n'évolue pas, elle risque de ne pas pouvoir inscrire sa fille au collège, l'an prochain.