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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Le Monde - Hélène Assekour - 26/07/2017

Comme chaque année depuis 2013, quelque quatre cents migrants s’entassent sur un parking, d’avril à octobre.

C’est très difficile, ici. Cette nuit, il a beaucoup plu, les vêtements sont mouil­lés. » Lindita vit depuis avril sur le camp de Blida, à Metz. Avec son mari, cette jeune femme de 28 ans a fui les menaces de mort de sa famille au Kosovo. Arrivés en ­février, ils ont vécu pendant deux mois dans la rue jusqu’à l’ouverture du camp, en avril. Un parking, situé en face d’une usine de traitement de déchets, à quelques minutes en voiture du centre-ville et transformé partiellement, six mois par an, en camp.

Là, quelque 400 personnes, dont 150 enfants, s’entassent dans des tentes collées les unes aux autres. Lorsque la pluie a succédé aux fortes chaleurs du début du mois de juillet, la grande bâche du coin cuisine a servi de parapluie de fortune. Les réfrigérateurs sont vides parce qu’on a trop peur des vols. Lorsque le soleil revient, les enfants jouent dans les flaques d’eau.

Des dizaines de familles y transitent en attendant une mise à l’abri

Habitat précaire et insalubrité, Blida a tout d’un campement sauvage. Pourtant, c’est l’Etat, via la préfecture, qui a ouvert ce site le 11 avril, comme chaque année depuis 2013, excepté en 2015, année où la préfecture avait estimé qu’il n’était pas nécessaire de le mettre en place. C’est dans cette avenue que se trouvait auparavant l’Association d’information et d’entraide mosellane (AIEM), qui gère le premier accueil des demandeurs d’asile. « Jusque-là, les personnes s’installaient devant le dispositif de premier accueil, elles dormaient dans la rue », se souvient Anoutchka Chabeau, directrice départementale de la cohésion sociale. La préfecture a alors préféré mettre à disposition un parking, en accord avec la mairie.

Depuis, quelques personnes seules, mais surtout des dizaines de familles y transitent en attendant une mise à l’abri. La plupart viennent des Balkans, surtout d’Albanie, comme Ilir. « J’étais menacé, je suis parti avec ma famille.J’ai travaillé, et je n’ai pas été payé. J’ai réclamé mon argent, et la personne qui devait payer m’a menacé. Ils ont enlevé ma fille dans une voiture, mais elle a pu s’échapper à un feu rouge. Depuis, je la suivais tout le temps, je l’accompagnais à l’école. A la fin, je la gardais à la maison, raconte ce père de famille. C’est une excellente élève, mais elle n’aurait pas eu d’avenir. Je ne pouvais pas rester en Albanie, ils allaient la prendre et la prostituer en Italie ou en France. Je me serais suicidé. »

La ville de Metz, il ne l’a pas choisie. « On voulait juste aller le plus loin possible. » Alors la famille a longé l’Italie puis s’est arrêtée ­lorsqu’elle n’avait plus d’argent. Comme tous les Albanais, Ilir a peu de chance d’obtenir l’asile en France, son pays d’origine étant considéré comme sûr.

En Moselle, les demandeurs d’asile sont toujours plus nombreux. Entre 2016 et 2017, le nombre d’arrivées a doublé. Proche de la frontière avec l’Allemagne, Metz, guichet unique pour les demandeurs d’asile pour toute l’ancienne région Lorraine, concentre les flux. « Tous les jours, nous mettons à l’abri des personnes vulnérables. Nous travaillons à augmenter la capacité d’hébergement, mais on est toujours en deçà », assure Anoutchka Chabeau.

Des altercations ont souvent lieu

« A Metz, il y a 7 600 logements vides. Il faut que le préfet les réquisitionne, s’insurge de son côté Chantal Muszynski, du Collectif mosellan de lutte contre la misère. Il ne doit plus y avoir de bidonville. » En attendant, quelques améliorations ont été apportées début juillet : le camp a été déplacé sur du béton pour que les tentes ne soient plus dans la boue, et le nombre de sanitaires a été augmenté. Bien loin tout de même des standards du Haut-Commissariat pour les réfugiés, qui demande une installation pour 20 personnes. A Blida, on en compte une pour une trentaine de personnes. Les cabines de douche n’ont pas de rideau et les eaux usées s’écoulent toujours sur le terrain où jouent les enfants.

Raphaël Pitti, médecin et conseiller municipal de Metz à l’urgence sociale, humanitaire et sanitaire, dénonce des conditions d’hygiène « déplorables ». « Dès lors que ce camp n’est plus illicite, il y a une obligation de l’Etat d’assurer des conditions de vie acceptables », déclare-t-il. Au quotidien, ce sont pourtant les bénévoles qui gèrent les besoins. « L’Etat se repose sur les associations, sachant qu’on sera là pour faire le boulot, critique Claude, bénévole du collectif Soleil de Blida. Même les tentes ont été achetées par les associations, avec un coup de pouce de la mairie de Metz, qui leur a versé 4 000 euros.

La préfecture a, de son côté, d’autres priorités. Car des altercations ont souvent lieu sur le camp. Pour la première fois cette année, la préfecture a réquisitionné la société Adoma pour assurer la sécurité, avec des vigiles présents 24 heures sur 24. Ce qui n’empêche pas les violences. « Il y a des grosses bagarres, généralement la nuit, raconte Claude. Des hommes se sont fait tabasser, jusqu’à aller à l’hôpital avec de multiples fractures. » Les associations soupçonnent aussi des viols.

Une situation préoccupante pour les députés locaux. Caroline Fiat, de La France insoumise, a déjà visité le camp et compte bien y ­revenir d’ici la fin du mois. Le 12 juillet, Belkhir Belhaddad, député LRM, a interpellé Gérard Collomb a l’Assemblée nationale le 12 juillet. Le ministre de l’intérieur a répondu travailler avec ses homologues albanais sur la question migratoire. A Blida, les associations attendent la fermeture hivernale du camp. Paradoxalement, tout le monde devrait être mis à l’abri, comme chaque année. En 2016, 459 personnes ont été hébergées partout en France.

 

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