Source : EURACTIV - Aline Robert - 18/08/2017
Le plan d’action de l’UE annoncé en juillet continue d’être déroulé, malgré des critiques de plus en plus nombreuses.
Après des mouvements de protestations de plusieurs ONG, deux experts du Haut Commissariat de l’ONU aux réfugiés ont haussé le ton contre les choix européens en matière de gestion des migrations, le 17 août.
« Le nouveau plan d’action de l’UE, dont un code de conduite pour les organisations opérant des navires de secours, menace des vies et n’est pas conforme aux normes internationales puisqu’il contraint les migrants à affronter des violations des droits humains en Libye », assure Felipe Gonzalez Morales, rapporteur spécial sur les droits des migrants, ainsi que Nils Melzer, rapporteur spécial sur la torture.
Les ministres de l’Intérieur d’Italie, de France et d’Allemagne avaient évoqué l’hypothèse d’imposer un nouveau code de conduite aux ONG en juillet, qui est en train d’être rédigé par l’Italie. Pour éviter d’avoir à gérer trop de migrants, l’UE envisage de refuser aux ONG le droit d’aller récupérer des migrants près de la Libye notamment, ou d’utiliser certains types de navires. L’hypothèse d’imposer aux navires de rejoindre d’autres pays européens que l’Italie a aussi été évoquée.
Un projet jugé dangereux par les ONG, ne serait-ce que parce que leurs navires souvent surchargés ne peuvent pas parcourir de distances importantes.
Le 15 août, les gardes côtes libyens avaient séquestré des membres d’une ONG espagnole, entraînant une suspension des opérations d’autres structures de sauvetage en mer. L’UE se targue d’aider et de former les garde-côtes libyens ; mais selon Médecins Sans Frontières, qui opère la bateau Aquarius en Méditerranée, les migrants sont tout autant en danger sur l’eau qu’entre les mains de ces garde-côtes.
La Commission sourde face aux critiques
Le plan d’action mis sur la table début juillet par la Commission européenne prévoit un certain nombre de mesures destinées à décharger l’Italie face aux arrivées de migrants, et alors que la répartition des migrants dans les différents pays de l’UE proposée par la Commission européenne ne fonctionne pas, certains pays refusant purement et simplement d’y participer.
Le projet européen de déplacer la frontière européenne en Libye est également vivement critiqué par les experts du Haut commissariat, qui jugent que la Libye ne peut pas être considérée comme un lieu sûr, en raison de conditions de détention inhumaines si les migrants sont arraisonnés par les forces de l’ordre, et de risques sévères pour les droits de l’homme s’ils ne le sont pas.
« La solution n’est pas de restreindre l’accès aux eaux internationales ou de tirer pour menacer les bateaux, comme la Libye le fait régulièrement. Cela risque d’augmenter le nombre de morts de migrants en mer, contrairement à l’obligation de porter secours aux personnes en détresse », estiment les experts onusiens.
Interrogée par Euractiv, la Commission balaie ces points de vue, « qui proviennent d’experts indépendants, et ne reflètent pas nécessairement celui du Haut commissariat aux réfugiés de l’ONU ».
L’UE, à l’instar des pays européens, fait partie des financeurs du Haut Commissariat aux réfugiés, ce qui limite la capacité de l’organisme à prendre des positions tranchées sur le sujet.
L’exécutif européen confirme aussi que le plan d’action dévoilé en juillet progresse. Le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, a ainsi envoyé une missive au président du conseil italien, qui lui a répondu cette semaine.
L’exécutif s’y est engagé à accélérer la relocalisation des migrants, à mobiliser des fonds et du personnel supplémentaires pour les opérations de retour et les procédures d’asile.
Les critiques des ONG et des rapporteurs indépendants ne semblent donc avoir aucun impact, si ce n’est dans le discours. « Nous travaillons ensemble à une priorité, qui est de réduire le nombre de victimes en mer », assure l’exécutif européen.