Appel à agir contre cette proposition
De nombreuses actions de plaidoyer sont en cours contre le projet de loi du Gouvernement diffusé le 30/01/18 sur l'immigration et l'asile.
La nécessité d'une forte mobilisation contre ce texte risque de faire oublier les dangers des dispositions, peut-être de moindre gravité mais attentatoires à la liberté des demandeurs d'asile, de la proposition de loi sur l'asile examinée actuellement par le Parlement, en particulier le durcissement des conditions de mise en rétention administrative.
Il s'agit de la Proposition de loi de M. Jean-Luc WARSMANN et plusieurs de ses collègues permettant une bonne application du régime d’asile européen, n° 331, déposée le 24 octobre 2017. , initiative de parlementaires qui en est déjà à la 2ème lecture à l'Assemblée Nationale et concerne quasi exclusivement la mise en rétention et l'assignation à résidence,
Le dossier législatif est sur
http://www.assemblee-nationale.fr/15/dossiers/bonne_application_asile_europeen.asp
Cette proposition de loi va être examinée en 2ème lecture à l'A.N. le 15 février.
L'article 1 étend et précise le placement en rétention administrative pour un demandeur d'asile en procédure de Dublin.
Il modifie notamment l'article L.551-1 du CESEDA qui dispose que « l'étranger qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque mentionné au 3° du II de l'article L. 511-1 peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de quarante-huit heures»
Selon ce texte, seront désormais fixées pour les demandeurs d'asile en procédure de Dublin les conditions (alternatives) où « un risque non négligeable de fuite peut, sauf circonstance particulière, être regardé comme établi » ce qui "justifiera" leur placement en rétention.
Le texte CESEDA ART L 551-1 et L561-2 SELON PROPOSITION LOI WARSMANN Modifiee 11-02-18 reprend les modifications apportées par cette proposition de loi à l'article L.551-1 (et au L.561-2 sur l'assignation à résidence, qui peut se transformer en mise en rétention).
Les passages les plus importants sont surlignés.
Parmi les conditions de risque non négligeable de fuite figurent :
« f) Si l'étranger a dissimulé des éléments de son identité, de son parcours migratoire, de sa situation familiale ou de ses demandes antérieures d'asile, la circonstance tirée de ce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ne pouvant toutefois suffire, à elle seule, à établir une telle dissimulation ; »
Comment dans un entretien de Dublin mené au pas de charge par un agent de la Préfecture débordé, le demandeur d'asile pourrait-il ne rien omettre de son "parcours migratoire", ou de la situation des membres de sa famille, souvent dispersée par les évènements subis avant ou pendant la migration ?
Souvent, il y a contradiction sur l'existence d'une demande d'asile faite dans l'Etat responsable entre l'identification Eurodac donnée par cet Etat (code 1) et la réponse de bonne foi faite lors de l'entretien Dublin par le migrant qui ne voulait pas y demander l'asile et n'a pas compris la nature des documents qu'il signait (souvent non traduits). Sur cette base incertaine il pourra être considéré comme remplissant un critère suffisant de placement en rétention.
Le texte de la proposition de loi initiale ne mentionne que " des éléments de son identité ", les autres éléments ont été ajoutés par l'A.N. en première lecture et créent une obligation d'exhaustivité dans les déclarations du demandeur d'asile impossible à respecter.
De plus ce critère n'est pas pertinent pour évaluer le risque de fuite.
« f bis) Si l'étranger qui ne bénéficie pas des conditions matérielles d'accueil prévues au chapitre IV du titre IV du livre VII ne peut justifier du lieu de sa résidence effective ou permanente ; »
Ainsi le demandeur d'asile en procédure de Dublin à qui l'Etat ne procure aucun hébergement en HUDA ni PRADA et qui se trouve donc déjà en grande précarité, risque de se voir placer en rétention pour le simple fait qu'il ne peut justifier d'un lieu de résidence, (pas seulement d'une domiciliation). C'est généralement le cas puisque l'incurie de l'Etat l'oblige à errer de hall de gare en squat, évidemment sans possibilité d'attester d'un lieu de résidence "effective ou permanente".
Cette disposition est scandaleuse car elle fait subir à ce demandeur d'asile une double peine : précarité à cause des carences de l'Etat et risque de privation de liberté.
Elle semble de plus en violation avec l'interdiction légale de discriminer une personne en raison de sa précarité ou de son lieu de résidence. Article 225-1 du Code pénal : « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, … »
Un autre "critère" de risque de fuite est :
« j) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à la procédure de détermination de l'État responsable de l'examen de sa demande d'asile ou à la procédure de tra nsfert.»
Il faudrait recommander au demandeur d'asile en procédure de Dublin d'éviter toute déclaration qui pourrait être interprétée comme sa volonté de faire obstacle à l'application de la procédure de Dublin ou au transfert. Notamment pour ce qui est noté dans le compte-rendu d'entretien Dublin en page 5 § "résumé de l'entretien" et dans les observations complémentaires à cet entretien.
Par exemple des phrases comme « Je ne veux pas demander l'asile en Italie mais en France.» ou « Je ne veux pas retourner en Grèce.» ou « Je veux rester en France pour m'y intégrer.», que l'on trouve souvent dans les résumés d'entretien ou dans les observations, seraient-elles encore possibles pour un demandeur d'asile en procédure de Dublin ?
Là encore, c'est un droit fondamental, celui d'exprimer une opinion, qui est mis à mal par ce texte.
Le Parlement est conscient que ces dispositions aggravant fortement le risque de se voir placer en rétention pourrait dissuader les migrants de demander l'asile en France. Aussi un amendement a ajouté un article 1 bis modifiant l'article L. 741-1 du CESEDA et disposant que :
« Au moment de sa présentation auprès de l’autorité administrative en vue de l’enregistrement d’une première demande d’asile en France, l’étranger ne peut être regardé comme présentant le risque non négligeable de fuite défini aux 1° à 10 du II de l’article L. 551-1 du présent code. »
Mais, outre que les atteintes graves instituées par cette proposition de loi aux droits de la personne ne sont pas acceptables non plus pour une deuxième demande d'asile, il faut craindre qu'une fois les conditions du " risque non négligeable de fuite " ainsi définies dans le CESE
DA, le champ d'application du II de l'article L. 551-1 de ce code ne soit élargi par une future loi.
Appel à agir contre cette proposition
Nous vous appelons à agir contre cette proposition de loi liberticide et inique avant son adoption par l’envoi d’un message aux députés. Vous trouverez leur adresses dans l’annuaire des députés et dans le tableau ci-bas, ainsi qu'un texte type.
Vous trouverez plus d’informations sur le reglement Dublin III sur le site StopDublin. Vous pouvez signer leur initiative en leur écrivant à l'adresse Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Nom | Circonscription | Parti |
Adresse email | |||
Cabaré, Pierre | 1ère | LREM | Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. | |||
Lagleize, Jean-Luc | 2ème | MODEM | Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. |
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Vignon, Corinne | 3ème | LREM | Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. | |||
Nogal, Mickaël | 4ème | LREM | Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. |
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Portarrieu, Jean-François | 5ème | LREM | Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. |
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Iborra, Monique | 6ème | LREM | Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. | |||
Toutut-Picard, Élisabeth | 7ème | LREM | Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. |
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Mörch, Sandrine | 9ème | LREM | Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. | |||
Nadot, Sébastien | 10ème | LREM | Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. |
Texte proposé pour votre courrier
Objet : Dites NON à la loi qui sera votée demain 15 février relative à l’application du régime européen Dublin.
"Bonjour monsieur ou madame la députée,
Je vous sollicite aujourd'hui en urgence pour votre vote de demain, jeudi 15 février concernant la proposition de loi relative à l’application du régime européen Dublin.
Cette proposition de loi va permettre aux préfectures de multiplier l’enfermement en rétention des personnes qui déposent une demande d’asile en France avant même de déterminer si elles doivent aller dans un autre pays européen pour la faire examiner. Il s’agit du pays par lequel elles sont entrées dans l’Union européenne et où leurs empreintes ont été enregistrées ou celui dans lequel elles ont déposé une demande d’asile.
Le 27 septembre 2017, la Cour de cassation a jugé qu’une telle rétention n’était pas possible, à défaut d’une définition par la loi du « risque de fuite » des demandeurs d’asile concernés. Elle a réitéré cette jurisprudence par un nouvel arrêt du 7 février 2018.
La proposition de loi définit un « risque de fuite » présumé, à travers douze situations extrêmement larges, permettant d’enfermer en rétention de façon quasi systématique les personnes, y compris des enfants. Une ligne rouge est franchie : elle permet pour la première fois d’enfermer des personnes avant même qu’une décision d’expulsion ait été prononcée, ce qui est contraire à la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel[1]. Elle a également réduit le délai pour contester ces décisions de quinze à sept jours.
Alors que plus de 35 000 personnes étrangères ont fait l’objet d’une procédure Dublin en 2017 en France, cette loi va conduire à remplir les centres de rétention administrative d’hommes, de femmes et d’enfants qui ne font que solliciter une protection.
Le règlement Dublin est un système injuste puisqu’il fait davantage peser sur les États européens situés aux frontières extérieures de l’UE la responsabilité de l’examen des demandes d’asile. De nombreuses associations appellent à la mise en place d’un système d’asile européen commun où le choix du pays d’accueil serait fait par la personne, et dans l’immédiat, à suspendre les effets dévastateurs du règlement Dublin. Je suis solidaire de cet appel et vous demande de ne pas voter ce texte de loi.
Cordialement"