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Collectif "Urgence Welcome" - Mulhouse | 17/01/2014

Monsieur,

Nos associations, regroupées au sein du collectif "Urgence Welcome",luttent au quotidien pour la défense des droits des demandeurs d'asile sur le périmètre de Mulhouse Alsace Agglomération.

Nous vous remercions de prendre connaissance de nos commentaires ci-dessous: ils concernent des assertions erronées ou prêtant à des interprétations tendancieuses, propos formulés par l'une ou l'autre des personnes interrogées dans le cadre de l'article paru le 10 janvier dans «L'Alsace»

sous votre signature («Coup d'arrêt à l'afflux en Alsace des réfugiés d'Albanie et du Kosovo»).

Appréciant la qualité et le sérieux de votre travail de journaliste, et notamment dans ce domaine particulièrement technique et complexe,nous nous tenons à votre disposition pour vous apporter toute précision complémentaire qui vous paraîtrait utile.

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Quelques observations:

Le maire de Mulhouse avait formulé au ministre de l'intérieur une demande de classement du Kosovo, de l'Albanie ainsi que de la Géorgie dans la liste des pays sûrs «afin que la France s'aligne sur le reste de l'Europe»: Seuls 11 pays européens ont jugé bon d'établir chacun «sa» liste de pays d'origine considérés comme sûrs, et pas une seule de ces listes n'est identique! Un seul pays dit «sûr» figure sur la liste établie par l'Irlande! La France est, après le Royaume Uni (26 pays), le pays qui a la liste la plus longue (18 pays) . Et c'est ainsi que le Ghana, pays considéré comme«sûr» par l'Allemagne, ne l'est pas en Autriche, que l'Ukraine est «sûre» pour le Luxembourg, pas pour la Belgique, et que la France est le seul pays à mettre la Géorgie sur la liste des pays où il fait bon vivre parce qu'un Etat de droit garantit la sécurité et de ses citoyens... Quant à l'Albanie et au Kosovo, l'Allemagne notre voisine ne les considère pas comme «pays sûrs». Il ne faudrait donc pas que les lecteurs de «l'Alsace» se figurent qu'il existe une liste de «pays d'origine sûrs», communément établie par les pays européens, et il ne doit échapper à personne que ces listes, sont établies selon des règles ne garantissent pas l'objectivité des critères adoptés: le Conseil d'Etat, saisi par nos associations, a d'ailleurs à 4 reprises en 4 ans obligé l'OFPRA à revoir sa copie, sanctionnant son conseil d'administration pour avoir déclaré comme sûrs certains pays d'origine des demandeurs d'asile: l'Arménie, Madagascar et la Turquie en juillet 2010, l'Albanie, le Kosovo, en mars 2012, le Mali fin 2012, ou encore, en mars 2013, le Bangladesh...

Ces listes sont de toute évidence des moyens - très imparfaits par ailleurs - au service d'une politique de régulation des flux de demandeurs d'asile au gré de leurs fluctuations.

  • Il faut dire que les conséquences pour les demandeurs d'asile en provenance d'un de ces pays dits «sûrs» sont lourdes, ainsi que le souligne l'article: Leur demande est traitée selon une procédure dite «prioritaire», c'est à dire instruite théoriquement de manière accélérée (15 jours) par l'OFPRA, sans droit à hébergement dans l'un des centres d'accueil des demandeurs d'asile et, en cas de rejet de la demande par l'OFPRA, ils peuvent être renvoyés dans leur pays avant même que la Cour nationale du droit d’asile n’ait rendu une décision définitive sur leur cas. Mais nous tenons à rappeler que la France a été condamnée (2 février 2012) par la Cour européenne des droits de l’Homme pour l’absence de voies de recours effectives dans le cadre de la procédure prioritaire en soulignant notamment l’absence de recours suspensif devant la Cour nationale du droit d’asile.

  • Mais affirmer que l'ATA (allocation temporaire d'attente) n'est pas due aux demandeurs d'asile en procédure prioritaire est une erreur: le Conseil d'Etat a jugé (7 avril 2011 et 27 décembre 2012) que l'allocation était due, conformément à la Directive européenne «Accueil» aux demandeurs d'asile en procédure prioritaire. Et elle leur est versée, avec retard toutefois compte tenu des délais d'enregistrement de la demande auprès de la préfecture.

  • L'affirmation selon laquelle seuls 25% des demandeurs d'asile le seraient pour des raisons politiques les autres étant des «réfugiés économiques ou sanitaires» relève de l'extrapolation pure et simple: Les seules statistiques disponibles en ce domaine sont celles résultant des procédures et décisions de reconnaissance du statut de réfugié par l'OFPRA et sur recours par la CNDA. Or ces décisions sont de 3 sortes: obtention du statut de réfugié (asile conventionnel), obtention de la protection subsidiaire, rejet de la demande:

  1. Le statut de réfugié est reconnu par application de la Convention du 28 juillet 1951 (dite Convention de Genève) qui dans son article 1-1-2 considère comme réfugié "toute personne qui craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays." Il est à noter que les notions de «race et de nationalité» sont comprises actuellement comme notions de minorité ethnique ou nationale. De plus, en France, l'article L.711-1 du CESEDA stipule que "la qualité de réfugié est reconnue par l'Office à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté".
  2. La protection subsidiaire: en France, l'article L.712.1 du CESEDA accorde le bénéfice de la protection subsidiaire à toute personne qui ne remplissant pas les conditions précédentes, établit cependant qu'elle est exposée dans son pays à l'une des menaces graves suivantes :la peine de mort, la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants, ou, s'agissant d'un civil, une menace grave, directe et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence généralisée résultant d'une situation de conflit armé interne ou international. Il n'existe donc pas d'«asile politique» mais des personnes en danger, discriminées, persécutées, exposées dans leur pays à des risques graves et qui vont chercher ailleurs la protection qui leur est due et qu'elles ne peuvent trouver dans leur propre pays. Chaque demande doit donc être examinée individuellement au regard de la réalité des persécutions qui ne peut être niée a priori sous prétexte que le pays d’origine est présumé être un pays démocratique et «sûr». C’est particulièrement le cas des pays dans lesquels existent des réseaux mafieux puissants et dont les autorités n’assurent pas la protection du fait de la corruption. Dans d'autres pays des pratiques perdurent malgré l’existence de lois qui les interdisent, comme au Bénin pour l'excision, ou comme au Ghana les violences à l'égard des homosexuels qui se poursuivent malgré la dépénalisation de l'homosexualité: dans la réalité la pratique de leurs institutions, leurs dysfonctionnements, ou la violence sociale due à des conflits ethniques larvés rendent parfois ineffective la protection théorique de l'Etat. Rien ne permet doncà quiconque d'affirmer a priori que tel ou tel demandeur d'asile a une motivation économique ou «sanitaire»: chaque situation est complexe et nécessite son instruction par un organisme impartial, indépendant de l'état (ce qui n'est pas le cas de l'OFPRA en France, étroitement dépendant du ministère de l'intérieur). Rien ne l'autorise non plus car aucune statistique ne permet de constater que la majorité des réfugiés seraient des réfugiés économiques ou sanitaires!
  • Oui, l'augmentation très relative du nombre de demandeurs d'asile (54 900 demandes en France en 2012, soit une augmentation de ... 5 % sur un an) n'est pas sans poser des problèmes de qualité d'accueil quand les arrivées sont concentrées sur certains territoires d'autant plus exigus que la solidarité inter communale ou inter régionale ne joue pas!

  • Oui les gouvernements successifs font le choix de décourager les demandeurs d'asile en ne leur accordant pas les conditions d'accueil décentes qui leur sont dues, au risque de voir la France maintes fois condamnée!

  • Oui, la liste des pays dits «sûrs» sert indûment de variable d'ajustement pour le contrôle des flux de demandeurs d'asile, indépendamment d'une appréciation rigoureuse des réalités des pays concernés.

  • Et non, les demandeurs d'asile ne sont pas massivement des «réfugiés économiques ou sanitaires»!

Nos associations sont, au niveau national comme au niveau local, très vigilantes sur l'évolution législative annoncée dans le domaine du droit d'asile dont nous craignons qu'elle ne se résume, au prétexte d'une mise en conformité avec la Directive «Accueil», à un ensemble de mesures dont l'objectif sera principalement une réduction des coûts au détriment de ce droit fondamental qu'est le droit d'asile et du devoir d'humanité.

Collectif Urgence Welcome

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Noëlle CASANOVA

Tmob: +33(0)661841050

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